tous deux expulsés de leurs pairs. Chaos à droite française

DE NOTRE CORRESPONDANT
PARIS — “Il a perdu son honneur”, “c’est un cas psychiatrique”, “il insulte De Gaulle”, “il se représente pleinement”. Après que les commentaires dans la fête aient commencé à être de cette nature hier matin Eric Ciotti a pensé à jouer tôt et a fait fermer le bureau des Républicains. Il a fait verrouiller la porte bleue à midi et a ordonné aux employés de travailler à domicile : un après-midi de travail intelligent. Il pensait éviter la réunion de la direction politique, convoquée à 15 heures par ses opposants internes au parti.

Mardi Ciotti avait annoncé avoir trouvé un accord électoral avec le Rassemblement nationalrompant avec la tradition gaulliste de son parti. Tous les sénateurs et députés (sauf un) se sont rebellés, ainsi que les présidents régionaux et autres notables, qui se sont réunis hier au siège pour expulser Ciotti. Seulement, ils l’ont trouvé fermé, et dans la rue il y avait des stagiaires avec leurs affaires personnelles entassées à la hâte dans des sacs en plastique.

Pour comprendre la dimension un peu tragique et un peu comique vécue hier par la droite française, il faut ajouter que le contexte c’est le 7ème arrondissement de Paris, le chic et riche, qui abrite des ministères, des ambassades, des écoles privées et l’Assemblée nationale récemment dissoute. Juste en face, au numéro 4 de la très élégante place du Palais Bourbon, se trouve le siège des Républicains. Une occupation dans le 7ème arrondissement n’avait jamais été constatée, pourtant Ciotti refuse l’accès à tout le monde. Ils lui suppriment l’utilisation de ses comptes de réseaux sociaux, mais il recourt au seul moyen qui lui reste, l’ancien e-mail, pour envoyer un message sincère à tous les militants : “Je sais que j’ai interprété la volonté de la majorité d’entre vous”. Ci-joint le lien vers la plateforme en ligne qui a rapidement rassemblé 10 mille membres. La démarche de Ciotti est désespérée mais logique : ignorer les cadres du parti et s’adresser directement à la base, celle qui lui a finalement valu la victoire aux primaires de 2022, faisant de lui le président des Républicains. Mais les barons n’abandonnent pas : si la porte est fermée, on trouvera une autre chambre.

Au Musée Social de la rue Las Cases, à 500 mètres, des mètres que Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et les autres parcourent d’un pas sûr et avec un peu d’aplomb, fiers et solennels devant les caméras, conscients de l’importance historique de le moment . Ils se réunissent enfin et vers 16 heures ils redescendent dans la rue pour annoncer : « Eric Ciotti est exclu de la fête. La direction est confiée à Annie Genevard et François-Xavier Bellamy.” Les Républicains, tentés par le Rassemblement national depuis des mois, reviennent intacts. Ciotti annonce une bataille judiciaire et proclame : « Décision nulle et non avenue, je resterai président ». A 17 heures, Annie Genevard revient place du Palais Bourbon avec une copie des clés fournies par un collaborateur de Ciotti, et l’insère dans la serrure avec satisfaction : “C’est notre maison !”.

Mais les grandes manœuvres et les grandes trahisons de la droite en vue des élections du 30 juin ne sont pas terminées. Jordan Bardella et Marine Le Pen sont les favoris, Bardella pourrait devenir Premier ministre avant l’été, Le Pen président de la République en 2027. « Que faire ? Les rejoindre ? », est la question qui taraude toute la droite, même celle à droite du RN.
Marion Maréchal, nièce de Marine Le Pen, a quitté le Rassemblement national familial dans un contexte de polémique pour rejoindre la Reconquête d’Eric Zemmour, qui volait dans les sondages, avant l’élection présidentielle de 2022. Le phénomène Zemmour s’est dégonflé, et depuis quelques mois Marion Maréchal semblait déjà tentée de retourner chez sa tante.

L’accord entre le RN et la Reconquête était déjà fait et annoncé mardi, lorsque Bardella a précisé à Marion : vous oui, mais nous ne voulons pas de Zemmour, trop extrémiste et dangereux. Elle est restée quelques heures avec Zemmour, mais hier elle a changé d’avis: «Nous ne pouvons pas rater une opportunité historique, je vous invite à voter pour les candidats de «l’Union de la droite» du Rassemblement national et Eric Ciotti».

Le fondateur de Reconquête ne l’a pas bien pris. «Marion Maréchal, avec Guillaume Peltier et Nicolas Bay (eurodéputé du groupe ECR avec Fratelli d’Italia, ndlr) est exclue de Reconquête – a annoncé Zemmour dans la soirée -. Marion retourne dans son clan familial. Il m’a trompé, je suis dégoûté et blessé. C’est le record mondial de trahison. »

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