«En 2060, le travail sera déjà sous pression»

A soixante ans, on n’est pas encore vieux, pour certaines personnes peut-être que leur énergie commence à faiblir mais attention à utiliser le mot « vieux ». Eh bien, à quarante ans, le MOSE, bien que précieux et nécessaire, pourrait déjà être sous tension, obsolète et peu utile en raison du changement climatique et de ses impacts. C’est ce que souligne une recherche coordonnée par l’Université Ca’ Foscari (publiée dans la revue « Regional Environmental Change ») : « Si le MOSE était activé avec des prévisions de marées à partir de 110 centimètres au-dessus du niveau de la mer, les 50 jours consécutifs de fermeture pourraient être dépassés de la lagune au cours du dernier quart de siècle”. Une activité très intense : fixer un hypothétique plafond de 50 fermetures par an (plus de 10 fois la limite prévue), le Mose pourrait être excessivement stressé déjà vers 2060 dans le pire des cas, en 2070 dans le meilleur et les grandes infrastructures maritimes ne suffiront plus.

La réponse à court-moyen terme

Selon les chercheurs, des mesures correctives et surtout des investissements sont donc nécessaires : pompage d’eau de mer dans les aquifères pour lutter contre l’affaissement, barrages de protection comme ceux des Pays-Bas, détournement des petites rivières et canaux qui se jettent dans la lagune, déplacement du port en pleine mer, mise en place du système d’égouts. La réponse à court et moyen terme selon l’étude de Ca’ Foscari serait de réduire les fermetures, par exemple en élevant le seuil au-delà des 110 centimètres de marée actuels, sinon en protégeant les parties de la ville qui seraient submergées. La réponse à long terme implique plutôt d’aller au-delà du MOSE. Les auteurs lèvent la main : des estimations précises sur les coûts de maintenance et les limites d’exploitation ne sont pas disponibles, nous travaillons par hypothèses, mais nous continuerons à collecter des données pour mettre à jour l’étude.

2024 est une année record

Depuis le début de l’année jusqu’au 1er mai, il y a eu 80 épisodes de crues à Venise, moments où la Place Saint-Marc s’est retrouvée inondée ou a risqué de s’effondrer ; dans 14 cas, le Mose a augmenté et 2024 est devenue une année record : les marées n’avaient pas fourni de données similaires depuis 1879. Les recherches de l’Université s’intègrent donc parfaitement : « Nos résultats mettent en évidence l’importance d’intégrer et de revoir les stratégies de protection de la ville, compte tenu de l’élévation du niveau de la mer et de ses implications économiques et environnementales – explique Carlo Giupponi, professeur d’économie de l’environnement à Ca’ Foscari et coordinateur de l’étude -. Une approche intégrée, socio-économique et environnementale est cruciale, capable de gérer efficacement les scénarios futurs possibles, pour protéger ce patrimoine unique.
L’étude a évalué l’impact économique et les perspectives d’avenir du MOSE en considérant différents scénarios de changement climatique et d’élévation du niveau de la mer. Les chercheurs s’interrogent sur l’usure des infrastructures et sur les stratégies nécessaires lorsque les grandes barrières ne suffiront plus. Les bénéfices économiques, selon les projections des chercheurs, “dépassent largement les coûts d’investissement et les pertes économiques”, mais «l’augmentation des fermetures pose des défis à la durabilité des infrastructures à moyen et long terme» soulevant des inquiétudes quant à l’impact sur la qualité de l’écosystème du lagon. Le Mose risque de devenir inutilisable bien plus tôt que ne l’avaient prévu ses concepteurs, il y a près de 50 ans, sans tenir compte du changement climatique. »

L’enseignant: «Repenser Venise»

Andrea Rinaldo, professeur de constructions hydrauliques à l’Université de Padoue et lauréat du « Prix Nobel de l’eau » en 2023, reprend une récente étude internationale : «Le changement climatique a un impact énorme et n’est plus seulement hypothétique. Et un mètre supplémentaire, comme le prédisent les études au siècle prochain, n’est même pas l’hypothèse la plus catastrophique, avec la fonte des glaces on parlerait de 7 mètres de plus. Bien sûr, tôt ou tard, le Mose ne sera plus bon pour de nombreuses raisons, mais d’après des études récentes, 2060 est une date trop précoce, car avec un entretien adéquat, le Mose peut fonctionner pendant un siècle, même avec des crues exceptionnelles. Mais « on estime qu’il devrait être fermé 260 fois par an », un nombre énorme, ce qui modifierait considérablement l’écologie de la lagune, et c’est sur cela que nous devons nous concentrer – note Rinaldo -. En fait, cette dernière étude nous oblige à repenser non pas tant la période post-Mose, mais plutôt Venise et je ne peux qu’être d’accord. Pour sauvegarder la ville, une refonte laïque, intergénérationnelle et coordonnée est nécessaire pour un modèle de développement social, économique et touristique. »

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