La « faim » des jeunes et du monde des adultes : Michela Marzano ouvre les Dialogues de Pistoia

De Suzanne Daniele

PISTÔIA – Le thème choisi par la réalisatrice Giulia Cogoli pour l’édition 2024 est « Sommes-nous ce que nous mangeons ? Nourrir le corps et l’esprit.”

Sous le “chapiteau” de la Piazza Duomo, la philosophe Michela Marzano a inauguré le festival d’anthropologie contemporaine en axant son discours sur la “faim” des jeunes d’être écoutés et acceptés tels qu’ils sont. Elle s’est immédiatement penchée sur l’analyse de la détresse des jeunes, trop souvent – selon elle – liée aux mesures prises à la suite de la récente pandémie, qui ont plutôt mis en évidence des vides et des malaises déjà présents mais pas ressentis de manière aussi explicite.

La philosophe Michela Marzano et quelques instants de l’ouverture de la quinzième édition des Dialogues de Pistoia (photographies de Simone Tofani)

Selon les estimations de l’Unicef, 15 millions de jeunes âgés de 15 à 19 ans souffrent de diverses formes de mal-être. Marzano affirmait, en empruntant des faits tirés de son expérience personnelle, que le malaise de la jeunesse est le symptôme des défauts de la génération précédente.

Il a ensuite illustré clairement et schématiquement comment rompre le cercle vicieux générateur de souffrance à travers cinq mots clés : écoute, altérité, estime de soi, amour, authenticité.

Elle offre donc quelques indications à la génération adulte : apprendre à écouter, accepter l’altérité du jeune par rapport aux attentes des parents et des enseignants, favoriser l’estime de soi, donner de l’espace à ce qu’on n’est pas ou n’a pas. Il parle également de l’amour comme de la reconnaissance et de l’acceptation de ce qu’est l’autre et non de ce que les adultes auraient aimé qu’il soit.

Il réitère à plusieurs reprises que le mal-être des jeunes reflète l’insuffisance des adultes. « Les enfants sont les médicaments de leurs parents, ils remplissent ce qu’ils n’étaient pas ».

Il parle de souffrance qui concerne la sphère identitaire : « Je ne sais pas qui je suis », entend-il souvent répéter ses élèves. Marzano indique combien il est nécessaire que chacun vive avec fluidité. Déconstruire certains stéréotypes, c’est accueillir son altérité qui, à certains égards, peut être gênante car elle comporte des faiblesses, des erreurs et des fragilités.

L’estime de soi vient de la reconnaissance des autres et est étroitement liée à la confiance que vous êtes prêt à accorder.

Marzano dénonce l’hypocrisie de la société, dans laquelle chacun prétend pouvoir dominer n’importe quelle situation, ne jamais commettre d’erreurs et réitère que les jeunes ont besoin de vérité, d’authenticité, d’acceptation de la condition d’imperfection.

Il conclut, reprenant le titre des Dialogues, que nous sommes en réalité ce que nous mangeons : la violence, la haine, la domination, les abus, naissent de ce dont nous nous nourrissons.

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