Rome – Opéra : Othello

Rome – Opéra : Othello
Rome – Opéra : Othello

La carrière de Grégory Kunde il devra certainement être étudié et analysé par la postérité le cas échéant, afin de pouvoir en comprendre le secret. Parlez de son dernier Othello à l’Opéra de Rome pourrait rappeler l’époque où il fallait réécrire sur Rigoletto par Leo Nucci ou le Turandot de Giovanna Casolla, c’est-à-dire des rôles clés du répertoire italien, connus pour leur difficulté vocale et scénique intrinsèque, interprétés par des artistes qui en ont fait leur point fort et ont réussi à les maintenir dans le répertoire même après avoir atteint un âge qui n’est plus très jeune .

Mais « le cas Kunde » (au lieu de Makropulos) s’avère encore plus particulier puisque, comme on le sait, la carrière de l’artiste américain a débuté, il y a quelques années, sous la bannière du bel canto, du répertoire français et des rôles de ténor altos, grâce aussi à une facilité exceptionnelle dans les secteurs aigus et aigus qui lui a permis, par exemple, de dominer le fameux F du Puritains par Bellini. Dans la mémoire de l’écrivain, le tournant s’est produit à l’été 2007 avec ses débuts dans le rôle d’Othello : cet autre pourtant, c’est-à-dire l’opéra de Rossini présenté au Festival d’Opéra de Rossini. Après une succession d’indiscrétions, de confirmations et de dénégations sur qui devait jouer le rôle mortel du Maure, Kunde a été annoncé, laissant plus d’un doute sur la manière dont il pourrait assumer les rôles vocaux d’un rôle de baryténor écrit par le natif de Pesaro pour Andrea. Nozzari. Et au lieu de cela, le succès global et le succès ont été tels qu’ils ont presque éclipsé le favori local Juan Diego Florez, qui chantait son rival Rodrigo.

Le changement de répertoire fut ensuite confirmé par d’autres rôles de Nozzari (à Pesaro on le vit dans Hermione Et Zelmira, Par exemple). Plus inattendu encore a été le tournant vers les rôles de Verdi mature (dont Otello, mais aussi Force du destin, Bal masqué, Don Carlo), de Puccini et de réalisme, continuant à faire des débuts et des succès dans des rôles réputés pour être particulièrement lourds et à l’opposé de la vocalité sur laquelle le ténor avait bâti la première partie de sa carrière. Et aujourd’hui encore, après avoir récemment ajouté Éléazar della Juive et le Bacchus de Ariane à Naxosa annoncé ses débuts dans le rôle de Dick Johnson dans Fille de l’Ouest. Et à une époque où d’autres ténors ont déjà pris leur retraite depuis quelque temps, ou se limitent à chanter des rôles comme l’Empereur dans Turandot, ou encore se recyclent comme barytons, Kunde peut encore se permettre de porter sur scène son interprétation d’un rôle mortel comme celui de Verdi. Otello.

Ces dernières années, le rôle d’Othello est devenu un fétiche du chanteur, qu’il a eu l’occasion de jouer dans de nombreux théâtres en Italie. Il s’agit d’un rôle complexe et plutôt approximatif, car dans l’imaginaire de nombreux mélomanes, il semble entraîner toute une série de fantômes d’interprètes précédents (ou souvent même d’un seul) qui, en théorie, auraient dû dicter les normes vocales et interprétatives de référence. . Il n’est donc pas surprenant que son homme brun, capable de susciter l’enthousiasme du public, soit si sollicité. Mais à vrai dire, le Théâtre Costanzi aurait bien fait d’engager Kunde quelques années plus tôt pour ramener à Rome un opéra qui était autrefois chez lui, comptant 11 éditions entre 1947 et 1968 puis disparaissant, victime peut-être de la mythe des castings précédents : on y retrouve en effet les présences de Mario del Monaco quatre fois, Renata Tebaldi à deux reprises – mais aussi les Desdémones de Rosanna Carteri et Virginia Zeani – et Tito Gobbi dans le rôle d’Iago dans pas moins de six éditions. Plus récemment, il n’a été relancé qu’en 2008, avec Riccardo Muti sur le podium.

L’écrivain avait déjà eu l’occasion d’entendre Othello de Gregory Kunde au Carlo Felice de Gênes en 2014, dans une performance brûlante avec Maria Agresta et Carlos Alvarez. Par rapport au souvenir d’il y a dix ans, l’artiste américain est sensiblement plus prudent, avec des instruments à vent raccourcis, un registre grave moins cohérent et un registre central plus voilé. Le timbre n’a jamais été l’un des points forts de Kunde et apparaît désormais naturellement moins frais.

Mais l’affinité du ténor avec ce répertoire se révèle dans le soin du phrasé et dans l’extrême sécurité du secteur haut, qui le rend capable de briller là où presque tout le monde se pend ou se débat. Il a alors l’intelligence de mesurer ses forces dans un rôle aussi long et ardu, de sorte que s’il commence avec une prudence compréhensible dès le premier acte, il est capable d’arriver à un “Niun mi peur” exceptionnellement confiant, résultant suffisamment sincère et touchant pour quitter la salle. Le théâtre tout entier retint son souffle. Il ne négocie jamais avec le parti et s’exprime toujours avec enthousiasme et retentissement. Au final, il obtient un succès bien mérité.

Le reste du casting est globalement d’un bon niveau, à commencer par Jago Igor Golovatenko, avec une prononciation parfaite et un phrasé subtil et insinuant, jamais incontrôlable. Le baryton russe possède également une silhouette élégante, parfaite pour incarner un Iago faussement amical et auquel tout le monde croit (mais brutal avec Emilia). Vocalement, il apparaît plus confiant dans les notes aiguës que dans les graves, avec un volume plus que discret et une belle couleur ; il chante toujours le rôle, sans effets durs ni insultes, réussissant même à le faire paraître presque facile.

Roberta Mantegna c’est une soprano habituée aux rôles les plus difficiles du répertoire, du premier Verdi à Norma et Imogène, donc un rôle purement lyrique comme Desdémone ressemble presque à une promenade de santé pour une vocalité comme la sienne. Une soprano lyrique peut peut-être présenter plus de douceur dans certains passages mais en tout cas la voix corsée n’empêche pas la soprano palermitaine d’alléger le son dans les moments les plus délicats de la partie, comme la prière finale.

Pour le réalisateur Daniel Oren on pourrait avancer un argument similaire à celui qui a été écrit pour Kunde, car il semble également se trouver dans une nouvelle phase d’une carrière de plusieurs décennies. Certains excès superficiels ont été atténués, au profit d’une attention sonore supérieure, qui met en valeur les mixages orchestraux (aidés par un orchestre une fois de plus en état de grâce), sans laisser de côté le passage théâtral. Il ne s’agit pas d’une interprétation révolutionnaire ou innovante, mais c’est une façon de regarder la tradition tout en se laissant éblouir par une sonorité orchestrale splendide et un souci du détail qui n’est pas une fin en soi. Une chose qui n’a pas été atténuée dans la carrière d’Oren est son amour pour les coupures : la césure abrupte du concertato qui clôt le troisième acte nous prive inutilement d’un splendide passage musical dans un opéra qui ne présente même pas de problèmes particuliers de durées excessives pendant dont il crie vraiment vengeance.

Piotr Buswzewski c’est un Cassio au timbre peu séduisant mais avec une belle silhouette et une bonne tenue d’ensemble. Irène Savignano elle a démontré dans le même théâtre qu’elle sait chanter Amneris et qu’en tant qu’Emilia, elle est un luxe. Il se démarque peu dans les concertatos mais se montre particulièrement frappant en quatrième année, avec sa fulgurante accusation contre Otello.

Le reste du casting est très bon : Francesco Pittari comme Roderigo, Alessio Verna comme Montano et le héraut de Léo Paul Chiarot. Lodovico n’est pas trop doux dans sa prestation Alessio Cacciamani mais toujours efficace.

Avec la configuration de Alex Aguilera, déjà présenté à Monte-Carlo et à Tbilissi, Costanzi semble vouloir rattraper le public plus traditionaliste pour l’orientation de la saison. On assiste ainsi à un Othello rassurant à la manière du XVIe siècle (mais sans maquillage noir sur le visage), sans chocs et sans surprises, si ce n’est l’idée de faire mourir Desdémone noyée par Othello dans une sorte de piscine orientale à l’intérieur du scène, dont la présence mais elle n’est qu’intuitionnée par le public. Dans une mise en scène dite traditionnelle, certaines naïvetés ressortent cependant davantage, comme « Ciel déjà dégoulinant de sang de Montano » chanté par Jago alors que ledit Montano se bat toujours en excellente santé.

Au total, un spectacle qui s’éclipse sans laisser beaucoup de souvenir et où l’on compte beaucoup sur la bonne volonté des individus en matière de jeu d’acteur, et le chœur (qui est également très bon) est relégué à une présence statique. Comparé aux autres productions vues à Rome cette année, je doute qu’on s’en souvienne, pour le meilleur ou pour le pire.

La scène de Bruno de Lavenère il est fixe, situé à l’intérieur d’une cour à colonnades sur deux étages avec une passerelle à mi-hauteur, enrichie seulement par quelques voiles ou lampes de style oriental qui descendent de l’autre pour encadrer le duo amoureux et revenir pour la scène de la chambre de Desdémone, obligée de dormir par terre. Visuellement, on risque donc une certaine monotonie, brisée uniquement par les lumières. Laurent Castaingt et par les coutumes de Françoise Raybaud Paix : ceux de Desdémone sont splendides, ils semblent sortir d’un tableau de Véronèse, tandis que dans le chœur des voix d’enfants tout le monde semble étrangement prêt pour sa première communion.

En fin de compte, le public élégant des premières romaines a décrété un bon succès pour l’ensemble des chanteurs et pour le maestro Oren.

La revue fait référence à la performance du 1er juin 2024.

Daniele Galleni

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