«J’ai eu une crise cardiaque au Mexique, j’ai été sauvé par les chirurgiens. Adieu au Slow Food ? Cela ne me dérange pas. Et j’étais le seul à croire en Pollenzo”

L’ L’Université des Sciences Gastronomiques de Pollenzo fête ses vingt ans et Carlin Petrini ne tire pas les rames: «Quand on me dit: “Tu as fait beaucoup”, notre dicton me vient immédiatement à l’esprit
n’exagère pas
. Ce n’est pas bien de tout concentrer dans un seul charisme, il a fallu beaucoup de personnes. Et le temps.”

Mais vous êtes charismatique, sans aucun doute.
«Oui, mais le véritable chef-d’œuvre n’est pas de créer des choses mais de faire en sorte qu’elles perdurent après soi. J’ai quitté la présidence de Slow Food Italie et International et je suis très heureux de la façon dont ils travaillent sans moi. La règle est que je ne le dérange pas. Même quand ils font des erreurs. »

Il y a quelques années, il a eu une crise cardiaque. Sa vie a-t-elle changé ?
«Je dis toujours que j’ai laissé mon cœur au Mexique… c’est là-bas. Ils m’ont mis un stent. Je l’ai vécu paisiblement. Ce n’était pas un tournant existentiel. »

Où est le reste de ton cœur ?
«Dans tous les endroits où j’ai noué de véritables amitiés. Au Brésil, en France… ce mouvement m’a permis de rencontrer de la diversité et de nombreux personnages extraordinaires.”

Je pensais que c’était écrit dans les Langhe.
«La beauté consiste à maintenir des racines solides mais à regarder le monde et à parcourir ses rues».

Un moment crucial ?
«L’année de naissance de Terra Madre et Pollenzo. Tout y a changé : la vision, la crédibilité globale, le développement de notre réseau.”

Entre l’aventure Slow Food et celle de Pollenzo, il s’est assis à des milliers de tables. Un moment inoubliable ?
«Je ne peux pas dire que j’ai vécu un seul repas mémorable, tout comme il m’est impossible de parler d’un seul souvenir œnogastronomique. J’ai voyagé partout dans le monde, entrant en contact avec la richesse gastronomique des cultures les plus diverses. Plutôt que de parler d’un repas ou d’un souvenir, je préfère parler de ce que je considère comme l’ingrédient essentiel pour un gastronome.”

Quel est?
“La curiosité. Entretenir un esprit curieux permet d’aborder différents plats et ingrédients tout en conservant une mentalité ouverte et sans jugement.

Le souvenir le plus marquant lié à Pollenzo ?
«La première fois que je suis allé voir cet endroit. C’était un bâtiment vétuste, mes plus proches collaborateurs étaient là. Et moi : ce sera comme ci et comme ça…”.

Et que lui ont-ils dit ?
« Que j’étais fou. Nous sommes parvenus à un accord impliquant une certaine somme d’argent. Si j’avais réussi à le monter, nous serions partis, sinon rien n’aurait été fait. Je ressens toujours de la tendresse pour leurs regards car il était clair qu’ils pensaient que j’étais fou. Nous avons investi bien plus que prévu. Les plus grands remerciements vont à eux, les mêmes qu’à l’époque, pour m’avoir supporté et pour la créativité avec laquelle ils ont poursuivi les résultats.”

Qu’est-ce qui vous a rendu le plus fier ?
«La spécificité de Pollenzo était de concevoir la gastronomie comme une science multidisciplinaire. Les Sciences Gastronomiques rassemblent l’anthropologie, l’économie, la philosophie, la génétique… Au début nos étudiants partaient d’ici avec un diplôme en Agriculture, depuis 2017 les Sciences Gastronomiques sont également reconnues dans 17 autres universités italiennes. J’en suis très fier. Devant nous avons une prairie.”

Qui mène où ?
«Tout d’abord, dépasser le concept d’eurocentrisme. Nous avons des étudiants qui viennent du monde entier, nous ne pouvons manquer de comprendre, par exemple, la valeur de la grande tradition de la gastronomie chinoise qui était déjà codifiée quatre siècles avant Jésus-Christ. Pollenzo doit devenir de plus en plus une agora où différentes réalités internationales se comparent et s’étudient. C’est la tâche des vingt prochaines années. »

Vos mentorés occupent-ils une position de leadership ?
“Sans aucun doute. Nous avons d’anciens étudiants qui ont occupé des postes de direction en Afrique, en Amérique latine… et ils ont tous un lien très fort avec Pollenzo.

L’alimentation est-elle de plus en plus un enjeu politique ?
«Notre relation avec la nature souffre. Le changement climatique et d’autres problèmes provoquent également un bouleversement du système alimentaire, créant une dimension de victimes et de bourreaux. Nous devenons tous complices si nous ne changeons pas notre mode de vie, y compris d’un point de vue nutritionnel. Il faut défendre l’économie et les producteurs locaux tout en respectant la saisonnalité. Nous devons changer le système d’agriculture intensive. Malheureusement, tout cela se produit dans une période politique difficile. Nous ne pouvons pas opposer les agriculteurs aux écologistes : nous devons être un citoyen actif qui change les paradigmes. »

Les jeunes ont-ils changé ?
«Il est temps qu’ils aient plus de pouvoir et que les anciens essayent d’interpréter les nouvelles langues. Je dois moi-même étudier. Un pays où il faut avoir plus de 60 ans pour occuper un poste de direction n’est pas bon du tout.”

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