Révélateur :: Avis sur OndaRock

Sans trop élever la voix, avec une mélancolie mal dissimulée, avec des paroles soul et des arrangements de plus en plus élaborés et matures, Matthew Houch a écrit une page importante de la musique américaine de ces vingt dernières années.
Après six ans de silence, beaucoup avaient perdu espoir d’un nouvel album sous le nom de Phosphorescent, sobriquet du musicien d’Athènes. Ces longues périodes de gestation entre un album et l’autre sont d’ailleurs une constante dans sa production la plus récente : après cinq albums enregistrés sur sept ans, le rythme s’est décidément relâché avec “Muchacho” sorti en 2013 et “C’est La Vie” en 2018.
Partage récent de Twelve sur Bandcamp reprise de chansons de Bob Dylan, Nina Simone, Randy Newman et d’autres auteurs (publiées mensuellement en 2022) a ravivé l’intérêt et anticipé le nouvel album “Revelator”.

Ceux qui connaissent le parcours de Phosphorescent savent bien que paroles et musique ont toujours été pour lui un couple indissoluble. Après l’éloge de la beauté et de l’extravagance humaine, réflexions au centre des deux derniers albums, l’auteur américain est désormais confronté à ses propres insécurités.
“Revelator” est l’album de la désillusion et de la souffrance, les paroles sont plus introspectives et mettent à nu une âme en proie à la douleur. Houch compose des chansons aussi touchantes et profondes que non sans un léger désenchantement. La musique coule entre orgues et pédales d’acier pour tisser de fins tapis harmoniques (“Fences”) et des éclats d’optimisme qui donnent des mélodies mémorables (“To Get It Right”).
Au piste titre se voit confier la tâche de synthétiser les joies et les peines de l’album : la mélodie capte l’attention, tandis que Matthieu met en séquence des histoires de solitude, de défaites et de désillusions avec un acte de renoncement qui n’autorise pas la contradiction : « J’en ai eu assez de la tristesse/Je suis fatigué de toutes ces folies/Je suis fatigué d’être toujours dur.”

C’est une musique agréablement familière, celle de Phosphorescent. L’amalgame du violon, guitare slide, basse et batterie se matérialisent avec une douceur mesurée entre un élégant hommage à Paul Simon de “Graceland” (“A Moon Behind The Clouds”) et d’intéressantes intuitions instrumentales qui justifient la présence de grands noms, comme Jim White de Dirty Three et Jack Lawrence des Raconteurs (“Wide As Heaven”). Même les ballades les plus froides et les plus minimales capturent cette magie qui éloigne la routine (« All The Same »).
“Revelator” est sans doute l’album le moins léger du musicien américain : les chansons sont marquées par une triste acceptation de l’inévitable (Matthew a récemment perdu son père) et ce n’est donc pas un hasard si les paroles plus granuleuses et surréalistes (” The World Is Ending”) est l’œuvre de l’auteur-compositeur-interprète australien Jo Schornikow (le partenaire de Matthew).

“Revelator” est un disque qui reste perpétuellement en équilibre entre candeur et confusion. Une gifle à la légèreté qui met en valeur le côté le plus poignant de la poétique de l’artiste américain, dure et austère comme Lou Reed (“Impossible House”), somptueuse et essentielle (“A Poem On The Men’s Room Wall”), et est dans ce calme mélodique plus sobre et vulnérable qui résume le charme du retour de Phosphorescent.

28/04/2024

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