Les années vingt :: OndaRock Reviews

Un titre qui parle à la fois du passé et de l’époque dans laquelle nous vivons – « Les années vingt » -, une reprise militante à sa manière, avec l’image d’une petite fille de dos et armée d’un marteau qui se prépare faire tomber un mur. Après de nombreuses années de silence d’enregistrement, Estra revient et décide d’abandonner tout désir de symbolisme : il est temps d’affronter la réalité telle qu’elle est, nue et crue, impitoyable.

Vingt ans, c’est aussi, à la pelle, la distance temporelle qui sépare le précédent album de celui qui vient de sortir. Une période qui serait très longue pour n’importe quel groupe, mais pas pour le quatuor trévisois (Giulio Casale, Abe Salvadori, Nicola Accio Ghedin et Eddy Bassan) qui peut certainement compter sur une formidable base de fans étant donné que, grâce à un financement participatifil a réuni près de 33 mille euros immédiatement utilisés pour les enregistrements et le mastering sous l’égide – et la coproduction artistique – de Giovanni Ferrario.

Dix chansons en tout, plus l’intro récitée par Marco Paolini dans “La Signora Jones” qui représente bien les thèmes clés de l’album, un portrait loin d’être édulcoré de l’époque dans laquelle nous vivons, bien peint par ce champion des mots. qui est Giulio Casale. Le tout est immergé à juste titre dans un contexte rock alternatif qui rappelle les années 90 et la rugosité qui y est associée, comme le riff au vitriol de « Fluida Lol » qui brise effectivement le voile sur la matière vivante de l’album, avant qu’un refrain d’excellente facture donne de l’espoir également en vue des concerts qui accompagneront la sortie du nouveau disque.

De cette série de portraits effectivement assez désolés dans la mesure où ils révèlent la réalité dans laquelle nous vivons, et qui pour cette raison même peuvent être encore plus complexes à décoder, l’épicentre ne peut être que la chanson qui donne son titre à l’album, dans laquelle le Les années vingt peuvent être à la fois celles du XXe siècle et celles d’aujourd’hui, étant en quelque sorte superposables (« le noir enveloppe tout/le noir affecte tout/le noir est avec tout/le noir est partout). « Personne comme nous » aborde le thème des migrants et de l’exil, « Je quitte Rome » celui de la tentative d’évasion d’un contexte dans lequel on ne peut se retrouver.

A noter, entre autres, la présence de Pierpaolo Capovilla – narrateur de la « Notte poi » finale – et de l’Orchestre régional Filarmonia Veneta qui chante la « Marche funèbre » de la Symphonie n°1 en ré majeur de Gustav Mahler.

18/06/2024

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