Josh O’Connor joue salement

Challengers c’est un film olfactif. Vous semblez sentir le parfum de Zendaya laissé sur son t-shirt « I Told Ya », le soleil sec qui tape sur le court de tennis, l’odeur étrange et incomparable des balles. Mais surtout, vous semblez ressentir la sueur de ces deux-là. Il y a une scène dans laquelle j’avais envie de me boucher le nez, elle précède le fameux « trio » qu’on a vu partout : des gros et des méchants s’amusent dans leur chambre d’hôtel, en slip et boivent des bières (Mike Faist lui touche les pieds, Josh je ne me souviens pas d’O’Connor, il fume probablement), attendant l’arrivée d’une Zendaya qui est un peu Godot, dans le sens où, comme ils le savent aussi, elle n’arrivera probablement jamais. Et au lieu de cela, elle est là, absurde, elle frappe, c’est elle, les garçons essaient de réparer rapidement les toilettes qu’ils ont créées dans cette pièce. Ici, lorsque Zendaya entre, on perçoit ses narines respirer cette odeur masculine, dans un mélange d’attraction et de répulsion. Force est de constater qu’entre les deux, celui qui émane des miasmes n’est certainement pas Mike Faist, tout glabre et propre, avec ses tenues Uniqlo lavées et repassées au pressing. C’est Josh O’Connor, aux cheveux sales et aux jambes poilues, quelqu’un qui dort sans doute dans le même short et le même t-shirt avec lequel il jouait au tennis (ce n’est pas un hasard s’ils ressemblent à un pyjama), fume une cigarette après l’autre et prend une la douche laisse sa sueur sécher toute seule. Le détail intéressant est que, évidemment, cette caractéristique ne le rend pas répulsif, mais encore plus sexy. Je n’ai pas eu le temps de me demander si en réalité j’aimerais aussi me retrouver nue dans sa voiture puante, comme ce qui arrive à la pauvre Zendaya, qui Vautour m’a fait sortir les mots de la bouche en publiant un article intitulé : « Que Josh O’Connor soit extrêmement sale en tout ».

En le lisant, j’ai découvert qu’O’Connor est sale aussi dans le film La chimère d’Alice Rohrwacher, que je n’avais pas encore vu, malgré l’appel très tendre lancé par le réalisateur et par O’Connor lui-même pour qu’ils se rendent dans les cinémas italiens pour le voir ou demander à le projeter (je m’excuse, je suis sans cœur). Je l’ai attrapé hier soir : ongles sales, costume en lin sale, tabac à la chaîne, O’Connor vit littéralement dans une cabane. Un péché Challengers, que le garçon pue est vraiment souligné, au cas où quelqu’un ne comprendrait pas le message : il y a un couple gay qui le remarque, alors qu’ils attendent derrière lui pour s’enregistrer dans un motel, ici un gars qui vend des chaussettes dans le train accuse lui de puer tout le wagon. Et puis il y a Le pays de Dieu de 2017, l’un de ses rôles les plus importants, dans lequel (je cite directement Vautour parce que je ne pourrais pas mieux le dire) «il joue un berger qui s’évanouit ivre sur des tas de foin et passe ses journées littéralement immergé jusqu’aux poignets dans des animaux en gestation».

Tout cela malgré le fait d’avoir joué un personnage “d’une propreté troublante” pendant de nombreuses années. La Couronnecontinue Rachel Handler sur Vautour, citant une pièce de 2021, « Tout le monde est beau et personne n’est excité », sur la perfection aseptique du corps des acteurs au cinéma. Silvia Schirinzi a déjà longuement parlé du retour des muscles dans un article que vous trouverez dans le numéro de Revue d’atelier en kiosque, Où allons-nous. On peut ici se limiter à considérer ce nouveau courant esthétique masculin, dans lequel les muscles ornent des corps très humains, si humains qu’ils paraissent aussi un peu sales, et sont accompagnés de visages « étranges », imparfaits, et de situations « quotidiennes » : Adam Driver en sous-vêtements, il se gratte la jambe dans le plâtre FillesJeremy Allen White imprégné des odeurs et des vapeurs de la cuisine L’oursPaul Mescal en sueur sur le terrain de foot à Personnes normales ou avec son bras dans le plâtre Après-soleil (on le sait, les craies ne sentent pas l’été). Et nous arrivons à notre O’Connor, avec ses adorables oreilles décollées qui deviennent rouges lorsqu’elles sont rétroéclairées, les rides qui se forment près de ses yeux lorsqu’il sourit, ou plutôt ricane (en Challengersparce que dans le Chimère a le sourire d’un ange) et mord le churro que Faist mange dans la scène la plus érotique du film. Et en parlant de fantasmes homoérotiques, il semblerait qu’un film soit en route qui ressemble à la réalisation d’une fanfiction : Josh O’Connor et Paul Mescal, amoureux l’un de l’autre. On l’appellera L’histoire du son.

C’est une beauté très rusée, celle de ces acteurs si semblables aux humains, qui attire tout le monde (gay, bisexuel, hétéro) justement parce qu’elle est apparemment imparfaite, faite de ces détails qui, selon vous, vous ont fait tomber amoureux parce que vous seul avez compris leur poésie. Ils vous donnent l’illusion de jouir d’une attirance particulière, d’un fil rouge qui va de vous à la personne (relation parasociale, ça s’appelle), dommage que ce ne soit pas comme ça, et tous les fils convergent en un seul point, l’écran. Aussi parce qu’il y a une arnaque : ces visages très “particuliers” sont montés sur un corps qui n’a rien, absolument rien de particulier, c’est le physique musclé habituel (jamais trop, s’il vous plaît) sculpté par la salle de sport, celui auquel chaque le mâle pense toujours qu’il doit s’occuper. Cela donne envie de serrer dans ses bras le pauvre Timothée Chalamet, avec son corps de douze ans, et de lui dire : “Ne t’inquiète pas, tu vas bien comme ça aussi.”

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