Ligurie, un roman criminel de politique et d’intérêts

L’Italie, on le sait, a toujours oscillé entre grande indignation contre la politique et phénomènes répétés de complicité envers le pouvoir. Il est peu probable que le balancier des relations entre les personnes et les institutions s’arrête dans une position d’équilibre, favorisant, comme il se doit, l’exercice du raisonnement et, plus encore, le doute. Prenons le cas de Giovanni Toti. Cela nous ramène évidemment au chapitre de la Grande Indignation. Et, plus habituel, se sont immédiatement constitués les deux partis classiques : d’un côté le justicialiste et de l’autre le garantiste, armés l’un contre l’autre.

Dans ce climat, le raisonnement, comme nous l’avons dit, est presque prohibitif. Il existe pourtant au moins deux séries de considérations auxquelles une opinion publique mûre devrait tenter de répondre. La première : il est certainement hypocrite de penser que la politique (qu’elle soit partisane ou personnelle) n’a pas de coût et ne nécessite donc pas de financement. En Italie, comme on le sait, en vertu de ce besoin reconnu, un mécanisme de financement public des partis a été envisagé. En 2013, résultat final du premier grand scandale qui a suivi l’explosion de Mani Pulite, il a été complètement aboli. Mais la politique a-t-elle cessé d’avoir besoin de fonds pour cette seule raison ? Bien sûr que non. Il serait donc important qu’un représentant des Indignés, peut-être face au cas Toti (ou aux précédents cas des Pouilles et du Piémontais), trouve le courage de dire : « messieurs, nous avions tort », peut-être est-ce mieux pour l’Italie. restaurer le système de financement public. Nous parions que personne ne le fera. En fait, il est trop commode de se livrer à des invectives contre des adversaires plutôt que de réfléchir courageusement aux erreurs passées et aux solutions à trouver. La rhétorique contre le financement public des partis a été si dominante qu’elle contredit même la prophétie de Sophocle : « aucun mensonge ne vieillit avec le temps ».

Mais tournons la page. S’il n’y a pas de financement public (et que la politique a besoin d’argent pour exister), que reste-t-il ? Il n’y a qu’une seule réponse : le financement privé. Aux États-Unis, c’est d’ailleurs la seule forme prévue et pour des chiffres incomparablement plus élevés que ceux généralement évoqués en Italie. Posons-nous alors la question la plus importante et la plus embarrassante : pourquoi un particulier devrait-il financer un parti ou un leader institutionnel ? Il n’y a que deux raisons possibles : pour partager des valeurs et des programmes ou parce qu’elle croit pouvoir compter sur la faveur de ses bénéficiaires. Ou pour les deux. Cela ne sert à rien d’être hypocrite. Le mot « intérêt » n’est pas un gros mot et, à côté du mot « valeurs », il crée la combinaison dont se nourrit la politique, toute la politique. Plus encore : dont se nourrit toute société libre. De ce point de vue, il n’y a que deux aspects à vérifier. La première est de savoir si le financement privé a eu lieu de manière régulière, conformément aux critères de transparence requis. La seconde est de savoir si les « faveurs » accordées par la politique (qu’il s’agisse de contrats ou de concessions) ont ignoré ou non les lois pertinentes. Même si une seule de ces violations existe, le pouvoir judiciaire doit accomplir sa tâche sans être dérangé. Sinon, il n’est pas clair quelle procédure peut être engagée contre un prêt privé « légal ». A moins de considérer comme un acte illicite tout lien entre un particulier et la politique. Et c’est peut-être précisément la réflexion des Indignés. Quelque chose qu’au contraire personne ne rêve d’imaginer aux États-Unis.

Mais à y regarder de plus près, le problème italien est encore plus grave. Le fait est que la soi-disant « révolution judiciaire » (expression qui est en réalité un oxymore) des années 1990 a fini par déterminer une perception historique erronée : la réduction de la crise italienne au conflit légalité-illégalité. Reléguer au second plan les véritables raisons du manque de modernité italienne : la stabilité même de l’unité nationale, la structure anachronique de l’État et du gouvernement, un pacte social désormais vieilli entre les catégories et les générations. Il est très important de dissiper ce malentendu, non pas pour baisser la garde contre la corruption, mais parce que c’est précisément à partir de là que s’est produite la cristallisation de deux « partis » qui bloquent le discours public sur la justice dans notre pays au sein d’un monde pré-moderne. schéma : le conflit présumé entre le parti des juges (légalité) et celui du pouvoir (illégalité).

Si l’Italie reste prisonnière de cette caricature, elle ne deviendra jamais une nation civilisée. Le problème d’une démocratie, en fait, n’est pas de savoir si la corruption existe ou non en son sein (étant donné que « l’homme bon » est une utopie) mais quels mécanismes concrets elle fournit pour la transparence. De ce point de vue, ni l’indignation ni l’acquiescement au pouvoir ne nous aideront jamais. En d’autres termes : en l’absence de violations explicites de la loi, le droit pénal ne peut régir cette matière. C’est aux électeurs de décider si la relation financement privé-politique aura produit croissance et développement dans les territoires ou, vice versa, gaspillage d’argent et dégradation.

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