Enquête en Ligurie, ce morceau de pouvoir entièrement masculin

Gênes – Affaires, pouvoir, faveurs, pots-de-vin, séjours de luxe, champagne et caviar, vantardise, insultes et mépris. L’enquête qui a bouleversé le système qui maintient la Ligurie à flot depuis près de dix ans révèle un petit microcosme de personnes capables d’influencer les décisions, les contrats, les carrières et les élections. Une oligarchie fondée sur l’échange de cadeaux et de contrats lucratifs : à condition que les enquêteurs démontrent le bien-fondé de leur accusation.

Les oligarques en question sont tous des hommes, des hommes. Les hommes ont maintenant avancé en âge, les sacs pleins et jamais rassasiés, des hommes à mi-parcours qui veulent consolider leur stature et jouir des fruits de leur pouvoir, des hommes à peine épanouis qui aperçoivent des prairies d’argent et d’intrigues. Ils sont tous des hommes. Ils répartissent les tâches, les revenus, les arnaqueurs et les divertissements, démontent et remontent les manteaux, coupent les jugements sommaires, échouent ou promeuvent : chacun fait sa part et quiconque se trompe est apostrophé.

Ils s’enferment dans les chambres des hôtels multi-étoilés ou sur le bateau des 9 millions, appelant à l’ordre. Consommer des aliments et des vins pour se mettre en valeur. Il n’y a pas une femme, pas même une. Les femmes qui apparaissent dans les croquis d’écoutes téléphoniques se situent des dizaines d’échelons plus bas dans l’échelle hiérarchique invisible mais granitique du pouvoir ligure. Il existe des femmes considérées comme des objets, utilisées comme cadeaux par le clan ; il existe des femmes capables de donner des massages, d’accueillir des hommes illustres dans des spas ou des restaurants, de faire bonne impression au casino ou à la soirée de gala ; il y a des femmes trahies et dénigrées par des hommes qui se sentent comme de grands hoplites venus commander une citadelle imprenable.

Ensuite, il y a les femmes qui constituent l’appareil exécutif du système, les femmes qui ont accès aux lieux du pouvoir, qui sont chargées de mettre en œuvre concrètement les conceptions et les projets, de collecter de l’argent ou des lettres, des enveloppes, des bouteilles, des commandes ou des demandes. Pour faire le sale boulot, si nécessaire. Des femmes contraintes de vivre dans la lumière réfléchie, sans jamais ouvrir la bouche, de leurs patrons masculins en échange d’une impulsion de carrière ou d’un emploi permanent. Et pour ces femmes qui se retrouvent aux portes de l’enclave, entre immédiatement en jeu l’étiquette chauvine maladroite qui les identifie comme « épouse de », « fille de ». L’ensemble du pouvoir et des affaires est donc composé uniquement d’hommes. Et le phénomène devient évidemment titanesque dans le port, où la frontière érigée par les mâles au seuil du pouvoir économique interdit tout accès.

Le port est masculin et les hommes ont toujours comploté pour garder le sceptre entre leurs mains. Les femmes font le tour du banc des accusés, se limitent aux bureaux et à la bureaucratie, ils ne sont tolérés que lorsqu’ils exercent leur compétence, souvent inconnu de ceux qui détiennent les clés des terminaux. Comme dans le cas de la responsable du fonds étranger qui, dans son rôle par définition en coulisses, qualifie le stratagème inventé par le vieil homme avec le sac à la main de tentative de corruption. De plus, il s’agit d’une maladie endémique en Ligurie et surtout à Gênes (où règne, entre autres choses, l’éternel conflit fratricide entre les hommes génois, qui assistent au grand banquet de ceux qui arrivent de l’extérieur).

Le pouvoir masculin s’auto-régénère dans une résidence patrilocale qui semble provenir directement de l’homme primitif, du singe. Vêtu de la grande toge des doges, entouré de troupes et d’équipage, audacieux et imbattables jusqu’à preuve du contraire, les oligarques ont toujours gardé à distance les femmes qui aspiraient à bouleverser l’équilibre, ils en ont voulu aux femmes qui arrivaient de loin dans des positions conflictuelles, ils ont fait un carré en purgeant les intrus et en asphaltant les brèches. Sauf à se faire prendre les mains collées au papier gras. Encore une fois, uniquement des hommes.

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