« Le meilleur ami du peuple nord-coréen »

Vladimir Poutine en Corée du Nord. On savait depuis quelque temps que le président russe se rendrait à Pyongyang, du moins depuis qu’il a reçu Kim Jong-un près de Vladivostok en septembre dernier. Mais le moment choisi pour la visite est un message très clair en réponse au sommet du G7 et à la conférence suisse sur la paix en Ukraine qui ont eu lieu ces derniers jours. Poutine signale au G7 qu’il ne considère pas comme légitime la condamnation du sommet des Pouilles concernant l’approfondissement de ses liens militaires avec la Corée du Nord. A Kiev, il indique cependant clairement qu’il n’a pas l’intention d’ouvrir des négociations de paix aux conditions de Volodymyr Zelensky. Pyongyang est en effet le partisan le plus explicite de la guerre russe, définie il y a quelques jours comme une « mission sacrée » par le guide suprême Kim. Ce soutien n’est pas seulement politique, comme dans le cas de la Chine, mais aussi très pratique, étant donné que, selon les renseignements de Séoul et des États-Unis, environ neuf mille trains de conteneurs ont voyagé entre la Corée du Nord et la Russie ces derniers mois. D’un côté, des armes et des missiles pour soutenir l’effort de guerre de Moscou. De l’autre, surtout de la nourriture pour un pays encore plus isolé que d’habitude face à la pandémie de Covid-19.

La visite de Poutine est la première d’un dirigeant russe à Pyongyang depuis 24 ans. En 2000, c’est lui qui a visité ce qu’on appelle le « royaume ermite », alors dirigé par Kim Jong-il, le père de Kim Jong-un. Mais ce furent des moments de dialogue, tant entre Moscou et l’Occident qu’entre les deux Corées. Le dialogue s’est brusquement interrompu ces dernières années. Lors du sommet de mercredi, la signature d’un traité de coopération stratégique est attendue. Un saut qualitatif également sur le plan formel dans les relations entre les deux pays, étant donné que la Chine a toujours occupé la première place parmi les alliés de Pyongyang.

L’objectif principal de la visite de Poutine est de renforcer les relations en matière de sécurité. Il est peu probable qu’une alliance militaire soit officialisée publiquement, même si le document commun que les deux dirigeants signeront devrait inclure plusieurs passages sur la sécurité. Kim a plutôt trois objectifs. La première : tester ses armes sur le champ de bataille comme elle n’a jamais pu le faire jusqu’à présent, malgré les nombreux lancements balistiques ces dernières années. La seconde : obtenir des technologies pour le développement de son programme satellite. Troisièmement : recevoir de la nourriture et des biens. Il est significatif en ce sens qu’aujourd’hui le Rodong Sinmun, le journal officiel du régime, publie un long éditorial signé par Poutine dans lequel, outre les remerciements pour le soutien à l’Ukraine, est proposé un système alternatif de commerce et de paiement. L’objectif semble être de contourner les sanctions internationales contre Pyongyang, qualifiées d'”illégitimes” par le chef du Kremlin.

Entre les lignes, il pourrait y avoir un autre objectif que Poutine et Kim ont en commun : montrer à la Chine qu’ils disposent tous deux d’une autonomie stratégique et qu’ils peuvent développer une relation bilatérale qui ne coïncide pas nécessairement avec les objectifs de Pékin. Depuis quelques mois, Poutine est décrit par les médias du régime comme le « meilleur ami du peuple nord-coréen », signe d’un changement de priorités qui pourrait aussi représenter un message pour Xi Jinping, qui n’a jamais eu de relation idyllique avec Kim. depuis qu’il a décidé de se rendre d’abord en Corée du Sud plutôt qu’en Corée du Nord une fois devenu président. Il est intéressant de noter que le jour même de l’arrivée de Poutine à Pyongyang, une délégation chinoise dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères Sun Weidong se trouve à Séoul pour un sommet sur la sécurité avec le gouvernement sud-coréen, principal rival de Kim.

En revanche, le maintien du statu quo sur la péninsule coréenne est crucial pour Pékin, alors que les tensions continuent de s’accroître. Mardi matin, plusieurs dizaines de soldats nord-coréens ont traversé la frontière avec la Corée du Sud. Ils se sont ensuite retirés après que les troupes de Séoul ont tiré des coups de semonce. C’est la deuxième fois que cela se produit en quelques jours. Au même moment, plusieurs soldats nord-coréens ont été tués ou blessés par l’explosion de certaines mines le long de la frontière. En effet, après la suspension de l’accord militaire intercoréen de 2018, les deux parties ont repris les manœuvres militaires interrompues au cours des six dernières années. Les explosions se sont produites alors que les troupes de Pyongyang étaient occupées à construire de nouvelles fortifications dans la zone dite démilitarisée qui sépare les deux Corées depuis les années 1950.

La visite de Poutine risque d’aggraver les tensions. D’un côté, Séoul craint que cela ne rende les actions de Kim plus audacieuses, car il estime disposer d’un soutien extérieur qui lui manque largement de la part de la Chine. En revanche, les inquiétudes de la Corée du Sud augmentent, où ce n’est pas un hasard si les voix de ceux qui réclament le développement de sa propre dissuasion nucléaire complémentaire à celle garantie par les États-Unis se multiplient.

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