‘Eileen’ : la critique du film avec Anne Hathaway

C’est envoûtant. C’est la première chose que l’on remarque chez le personnage d’Anne Hathaway, le Dr Rebecca Saint John, l’une des deux protagonistes de Eileen, adaptation du roman 2015 d’Ottessa Moshfegh dans les salles italiennes à partir du 16 mai. On le remarque parce que le film le souligne. Le docteur Saint John entre en scène grand, posé, une cigarette aux lèvres. C’est une psychologue de Harvard qui est arrivée pour transformer la prison pour mineurs des années 1960, qui est la toile de fond d’une grande partie de l’histoire, en un lieu légèrement plus moderne. Rebecca Saint John a cet air mystérieux typique du milieu du XXe siècle. C’est une femme célibataire, instruite, progressiste dans son style de vie, coquette et charismatique d’une manière qui semble désarmante. Et il est pleinement conscient de son pouvoir.

Ce pouvoir exerce une très forte emprise sur Eileen, qui manque d’assurance et est maladroite. C’est la clé de la tension qui traverse le film, qui est avant tout un étude de caractère sur deux femmes : le magnétique Docteur Saint John et la plus curieuse et impressionnable Eileen du titre. Eileen, jouée par Thomasin McKenzie (Jojo Lapin), est une jeune femme d’une vingtaine d’années enfermée dans la Nouvelle-Angleterre des années 1960, criblée de pulsions sexuelles, encline à rêver à son éveil charnel et à la violence soudaine qui l’entoure. Le jour, il travaille dans la prison pour mineurs de Boston avec le Dr Saint John. La nuit, elle tente de résister aux abus de son père alcoolique (un excellent Shea Whigham), veuf et ancien policier qui persiste à avilir sa fille. C’est peut-être à cause des humiliations subies entre les murs de la maison qu’Eileen a si envie de s’échapper, mentalement et au-delà. Elle est toujours remplie d’un désir ardent. Elle accumule et engloutit des bonbons quand personne ne la regarde. Il se masturbe en secret au travail et aime même espionner les couples qui s’embrassent (c’est ainsi qu’on le rencontre dans la première scène). Son père n’est personne, mais comme il lui dirait lui-même : qui est-elle ? C’est une jeune femme en quête d’identité. Son attirance pour le Dr Saint John – quelle que soit sa véritable nature – contribue à lui donner cette identité.

La plupart du temps, Eileen se concentre sur la curieuse attirance entre ces femmes. L’intérêt d’Eileen pour Rebecca est presque trop évident et évident. Le Docteur Saint John nous attire, elle et nous, par son attitude très vitale, une modalité que Hathaway, très bonne ici, apprécie beaucoup en tant qu’actrice. Il enfreint les petites règles au profit d’une vision d’ensemble, provoquant la colère de certains de ses collègues de la salle des mineurs et suscitant l’admiration évidente d’Eileen. Rebecca s’intéresse immédiatement à Eileen qui, comme Mackenzie la décrit, n’est certainement pas du genre à cacher cet intérêt. Quelque chose d’aussi simple que d’inviter l’autre femme à boire un verre semble plus important qu’il ne le devrait probablement. La clé de la performance d’Anne Hathaway est que ses intentions sont presque immédiatement suspectes. Y a-t-il peut-être un désir homosexuel ? Est-ce qu’il utilise Eileen ? Et si oui, pour quoi ? Il y a une histoire parallèle concernant un détenu (Sam Nivola) auquel le médecin s’intéressait particulièrement. Il est clair que ces intrigues secondaires finiront par s’entremêler. Eileen il est suffisamment court pour laisser plus de plaisir que d’impatience à voir son écheveau se dénouer vers une fin plus ou moins prévisible.

Quoi Eileen Il n’y a pas grand chose à révéler. Le vrai plaisir, c’est d’y arriver. Pour son décor d’époque et son attention au lien (peut-être) érotique entre deux femmes, le film a déjà été comparé à Carole par Todd Haynes. Sauf que le réalisateur William Oldroyd (Dame Macbeth) ne joue pas sur le même terrain stylistique. Haynes s’intéressait aux secrets (in)dicibles entre deux amants ; il a mis en évidence la dure répression de l’époque pour que ces deux femmes se sentent encore plus audacieuses. Bref, son approche était plus stylisée. Oldroyd poursuit une tension plus directe, qui convient à un film qui se veut avant tout un thriller. Le film repose sur la question : que veut Rebecca Saint John ? Et il est motivé par le sentiment croissant qu’Eileen saura satisfaire tout désir qu’une femme plus adulte et émancipée a en tête.

Être confronté au désordre que ces femmes finiront par créer n’est pas aussi excitant que de les voir le créer. Le film semble également conscient de tout cela. Après un aveu intense (et aussi une erreur de jugement de la part de l’un des deux), tout se termine. Mais ce n’est pas un film qui ne sait pas où il va. L’attractivité de Eileen cela réside dans la préparation plutôt que dans le résultat. Chez ces deux femmes et dans leur croissance mutuelle maladroite et incertaine. Le résultat n’a pas d’importance, ou presque. La vraie joie vient de la faim que nous ressentons en chemin.

Depuis Pierre roulante États-Unis

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