Le Règne Animal, la critique du film de Thomas Cailley

Titre: Le règne animal

Titre original: Les règnes animaux

Direction: Thomas Cailley

Pays de production / année / durée : France / 2023 / 128 min.

Scénario de film: Thomas Cailley, Pauline Munier

La photographie: David Cailley

Assemblée: Lilian Corbeille

Musique: Andrea Laszlo De Simone

Son: Fabrice Osinski, Raphaël Sohier, Matthieu Fichet, Nicolas Becker, Niels Barletta

Casting: Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos, Tom Mercier, Billie Blain, Xavier Aubert, Saadia Bentaïeb, Gabriel Caballero, Iliana Khelifa, Paul Muguruza, Nathalie Richard, Louise Lehry, Jean Boronat, Nicolas Avinée

Production: Nord-Ouest Films, StudioCanal, France 2 Cinéma, Artémis Productions

Distribution: Les images de la merveille

La programmation: Capitol Bergame, Cinémas UCI Orio, Cinémas UCI Curno, Starplex Romano di Lombardia, Arcadia Stezzano, Treviglio Anteo spazioCinema, Garden Clusone

L’article

Une humanité aux prises avec la mutation, racontée entre fantastique et réalisme avec un regard sur le changement qui oscille entre la maturité et une vision renouvelée du monde. L’humanité qui subit des mutations de diverses manières et doit décider comment se comporter avec le protagoniste de “Le Règne Animal”, le nouveau film de Thomas Cailley, en salles à partir du 13 juin.

Film se déroulant dans un futur dystopique (mais avec des références bien ancrées à notre présent), où de mystérieuses mutations transforment les êtres humains en animaux hybrides. Les protagonistes sont un père, François (Romain Duris) et son fils adolescent Émile (Paul Kircher). Leur relation est complexe, comme toutes les relations parents-enfants, et elle est catapultée dans un nouveau contexte lorsque, alors que les deux se disputent dans la voiture, un homme doté d’une paire de grandes ailes s’échappe d’une ambulance. Un événement qui n’impressionne pas les protagonistes, qui montre d’emblée que des mutations sont présentes dans la société depuis quelques temps déjà. Les deux se retrouveront alors en direction du sud-ouest du territoire, pour suivre leur épouse et mère Lana, métamorphosée en ourse, transférée dans un établissement spécialisé pour y être étudiée et surveillée. Un transfert raté, le véhicule de transport étant attaqué, permettant aux créatures à l’intérieur de s’échapper dans une forêt. François et Émile se lancent alors à la recherche de Lana, aidés par la policière Julia (Adèle Exarchopoulos), capable de faire preuve d’humanité et d’empathie envers les créatures mutées contre leur gré.

La propagation du pathogène à l’origine de la mutation rappelle inévitablement la période Covid et ses conséquences, plongeant le film dans un réalisme qui coexiste toujours de manière équilibrée avec d’autres éléments fantastiques. En effet, François et Émile se retrouvent en relation, de diverses manières, avec d’autres animaux anthropomorphisés, comme l’homme-oiseau Fix ou la femme-poisson. Des mutations bien réalisées également d’un point de vue technique, qui maintiennent une sorte de réalisme dans le film sans dépasser dans le domaine des super-héros ou de l’horreur corporelle, mêlant conte de fées et décors contemporains.

En effet, Cailley, tout en n’oubliant rien sur la mécanique, même douloureuse, de la mutation, parvient à nous faire comprendre à la fois la souffrance et la désorientation tout humaine face à une transformation en quelque chose de différent. Une comparaison avec le différent qui a toujours été problématique, que la société n’arrive jamais à comprendre pleinement et qui a donc tendance à se ghettoiser, comme dans le film cela arrive avec des humains métamorphosés. La diversité considérée comme un danger dont l’intégration est inconcevable, qui se heurte au désir et à la lutte de vivre avec un élément nouveau qui semble de plus en plus prédominant dans chaque vie. Des difficultés que Cailley fait incarner Émile, chez qui les mutations provoquées par la maladie cohabitent avec la phase de transition due à l’âge. Une transition qui présente douleur et souffrance, tant dans le domaine des interactions sociales (celle avec le père ou avec un nouvel amour est paradigmatique) que physique. Émile tente de faire face à sa mutation progressive, malgré les douleurs dans sa colonne vertébrale ou la pousse de griffes sous ses ongles : une transformation tenue avec force à distance, pour continuer à être acceptée par la communauté.

Celui de Cailley est un regard vers un monde en mutation, qui cherche un nouveau départ, bien conscient cependant que le bouleversement du statu quo doit en fait passer par un choc avec une société réticente au changement, bien qu’elle soit elle-même plongée dans cette transformation. Un nouveau départ qui passe aussi par l’acceptation de sa nature et une recherche renouvelée de liberté.

Un nouveau regard tourné vers les relations, vers l’acceptation de ce qui est différent, mais aussi vers la Nature, jamais vraiment respectée : une métaphore écologique, conçue par le réalisateur avant la période pandémique, qui réfléchit sur l’humanité par rapport à elle-même, mais aussi à ce qui l’entoure.

Un paradoxe donc que les sentiments les plus humains se retrouvent dans les relations avec des créatures transformées, dans des lieux complètement naturels entourés de la magie d’une rencontre entre l’obscurité et la lumière qui réconforte plutôt qu’effraye. Un effet également amplifié par les splendides scènes nocturnes, où l’identification aux animaux anthropomorphes est pleinement comprise, ainsi que par les gros plans poignants consacrés notamment à Lana, consciente mais impuissante face à sa propre transformation.

Une situation de lutte perpétuelle contre un mal extérieur, qui sous-tend cependant le besoin de compréhension et d’identification aux autres, à ceux qui sont différents et, par conséquent, aussi à sa propre nature. Car (selon René Char précité) « ce qui vient au monde pour ne rien déranger ne mérite ni considération ni patience ».

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