Austin Butler motard rebelle, Michael Caine en Normandie, Inside Out 2 et 7 autres films au cinéma ou en streaming

Il n’est pas étrange que la voix narrative, la pointe de la balance, la figure dominante du Les motards est une femme. Ce n’est pas étrange même si le film se déroule dans le Chicago des années 60, entre la guerre du Vietnam et les enfants-fleurs, à la croisée des chemins entre Le sauvage (1953) éd. Easy Rider (1969), quand les filles étaient le papier peint silencieux d’un monde machiste et patriarcal, même dans les sentiments positifs, un groupe de rebelles comme James Dean, chevauchant une Harley Davidsontoujours en conflit avec maman et papa.
La jeunesse brûlée des drapeaux déchirés, de l’innocence perdue, de la violence contre la violence. Le monde raconté par les images du photojournaliste Danny Lion dans un livre célèbre de 1967 que Jeff Nichols, réalisateur et scénariste, né en 1978, reconstitue suivre le chemin le plus classique et reconnaissable du cinéma sur la route, c’est-à-dire du western métropolitain, du conte de fée rock avec en plus la nostalgie en bon exemplaire. La fille au centre du pandémonium s’appelle Kathy comme les filles du saloon (Jodie Comer). On comprend tout de suite qu’il s’agit d’un ange innocent destiné à traverser l’enfer. Nous la rencontrons alors qu’elle rejoint une amie dans un club bondé de passants et avance comme une gentille fille entre caresses sur les fesses et avances menaçantes.
De retour chez lui, il se retrouve face à son destin. Kathy raconte son histoire à un journaliste vidéo avec le visage de Mike Feist histoire d’amour avec le silencieux Benny, un centaure sans sourireun avec sa moto, qui dans ce lieu de gens imprudents boit, fume, joue au billard, prépare des bagarres et des combats de rue.
Benny est le poulain d’un groupe de motards sans foi ni loi, les Vandals, sous les ordres du chef Johnny (Tom Hardy). Kathy, Benny et Johnny sont trois moutons perdus, trois êtres humains accablés par la solitude qui trouvent motivation et espoir dans le groupe. “Pour m’enlever ma veste des Vandales, tu devras me tuer”, gronde Benny au tueur à gages d’un clan rival qui tente de l’humilier. Il sera réduit en bouillie mais saura résister. Tout comme peu de temps après, lorsqu’un dogue adverse s’est complètement cassé la cheville. Chaque fois que Johnny le sauveavec l’intention d’en faire son successeur au sommet de la bande, sans se soucier de l’avis contraire de Kathy qui le veut tout pour elle.
Johnny se comporte comme un frère, un père, peut-être comme un amant. Pendant ce temps, la passion impossible de Kathy, le troisième côté du triangle, grandit. Elle, épouse et infirmière de la Croix-Rouge, est prête à ce que l’amour devienne la compagne dévouée qui attend le héros solitaire à la maison. ou accompagner son Benny aux rassemblements alcooliques des Vandales. Tous trois finiront par devenir victimes de la transition générationnelle. L’Amérique post-Vietnamienne tourne la page, la saison des chevaliers bykers de l’utopie est sur le point de se terminer. Coup sur coup, le film retrace la solidarité, l’honneur et le respect, le mélodrame, l’amour, la tragédie.
La difficulté pour Nichols était de rendre crédibles ses personnages, de les élever de leur potentiel négatif sans en faire des héros. C’est-à-dire maintenir un style sec, linéaire, voire cordial, en huilant le drame avec une bande-son non triviale. Il y a toujours une frontière à franchir dans le cinéma de Nichols : il y a la trace d’une humanité vouée au sacrifice, incapable de trouver une rédemption définitive. Non satisfait, Nichols met sous le nez du spectateur un réseau d’allusions à l’actualité américaine : désorientation, dérive violente, chute des idéaux.
Les Vandales sont des outsiders, des enfants de la rue et de la mythologie vroom vrooom : ils ne respectent pas le système car le système les rejette a priori. L’opération réussit grâce à l’équilibre brutal-romantique de Nichols., qui utilise une grammaire photographique fascinante. Mais surtout pour la formidable entente qui se crée entre les protagonistes : Austin Butler enfin à cent pour cent de son potentiel après le demi-échec avec Elvispuis la révélation Jodie Comer qui donne rythme et ton au film, le tenant dans ses bras tel un chef d’orchestre, enfin l’habituel Tom Hardy, très intense, une canaille à la voix cassée et au regard vide de ceux qui savent que le jeu des Vandales devra prendre fin et que leur chef paiera.

LES MOTOCYCLISTES par Jeff Nichols
(États-Unis, 2023, durée 116′, Universal Pictures)

avec Austin Butler, Jodie Comer, Tom Hardy, Michael Shannon, Mike Faist
Note : 3 ½ sur 5
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