«Les Popolari sont tentés par Meloni et la droite, il faut les arrêter pour sauver l’UE»

Pourquoi avez-vous décidé de lancer l’appel de Paris ?

«Les élections du 9 juin revêtent une importance historique car, pour la première fois, le centre-droit est tenté de changer de direction et de s’allier à l’extrême droite. Nous, socialistes, devons l’éviter, car sinon la construction européenne sera détruite.” Frans Timmermans63 ans, ancien vice-président de la Commission européenne, architecte du Accord vert et aujourd’hui leader du parti travailliste néerlandais, il est parmi les premiers signataires de l’appel qui veut relancer “un barrage robuste contre l’extrême droite”.

Nous le rencontrons à Paris, au siège du leader socialiste Raphaël Glucksmann, qui a promu l’appel signé en Italie par la secrétaire du Parti démocrate, Elly Schlein, et en Europe, entre autres, par la candidate socialiste à la présidence du Commission, l’Allemand Nicolas Schmit.

Pensez-vous que les macronistes de Renew pourraient collaborer avec certains conservateurs du groupe ECR, comme le propose von der Leyen ?

«Cela me paraît impossible pour Macron. La tête de liste Renew en Hollande ne répète jamais, jamais. Il dit : « En Europe, nous ne le ferons jamais, mais aux Pays-Bas, nous devons le faire ». C’est étrange, n’est-ce pas ? »

La présidente von der Leyen a-t-elle changé d’avis ?

«Jusqu’à il y a quelque temps, elle était très claire, elle répétait toujours “jamais avec l’extrême droite”. Mais maintenant, elle commence à faire des distinctions, il lui est impossible de travailler avec certains partis, alors qu’elle considère d’autres membres du groupe ECR comme des interlocuteurs.”

Notamment la Première ministre italienne, Giorgia Meloni.

«Quand j’étais membre de la commission avec von der Leyen (jusqu’en août 2023, éd), elle a été catégorique, elle a toujours exclu une alliance avec l’extrême droite. Les choses ont commencé à changer à partir du moment où Giorgia Meloni est arrivée au pouvoir en Italie. Il semble désormais qu’il ait un lien très clair avec Mme Meloni. Si telle est la direction du Parti populaire européen… Nous avons vu ce qui est arrivé à Forza Italia, qui a failli disparaître précisément à cause de cette alliance. »

Cependant, même l’extrême droite bouge, par exemple Marine Le Pen et Matteo Salvini se sont distanciés de l’AfD allemande après les phrases sur les SS.

«C’est une manœuvre classique, on l’a déjà vu avec Giorgia Meloni, qui veut avant tout être respectée. C’est une préoccupation typique de tous les partis qui ont tenté de passer du post-fascisme à leurs positions actuelles. Ils recherchent avant tout la respectabilité, et cela n’est possible que si l’on est associé à l’AfD ou au fascisme. Mais en même temps, on le voit avec le 25 avril en Italie, il y a toujours une timidité, une gêne à s’éloigner du passé”.

Votre appel en tant que leader du socialisme européen s’adresse avant tout à vos alliés de l’autre grande famille politique, le Parti populaire, tentés par l’union de la droite. Parmi les populaires, y a-t-il ceux qui partagent vos inquiétudes ?

«Oui, les Polonais. Quel message cela leur donnerait-il s’ils travaillaient en Europe avec leurs adversaires nationaux ? Ils se sont battus comme des fous pour prendre le pouvoir aux Pis. Et voilà qu’ils se retrouvent face aux ouvertures du Parti populaire européen envers leurs adversaires… Le leader du PPE, Manfred Weber, en Allemagne, s’y oppose mais ne ferme pas la porte à une forme de collaboration avec Meloni. Ils ne sont pas clairs, ils ont un discours différent selon les pays. C’est pourquoi nous demandons de la clarté.”

Quel est votre pronostic pour le vote du 9 juin ?

«Je suis assez optimiste. Le PPE restera probablement le premier parti, nous, les socialistes, serons le deuxième. La grande question sera Renew, si ce sera le troisième ou le quatrième parti. »

Votre initiative veut rétablir un “cordon sanitaire” contre l’extrême droite mais Marine Le Pen, contre l’AfD accusée par Weber d’être un parti néo-nazi, utilise à son tour la même expression de “cordon sanitaire”. Qu’en penses-tu?

«Je ne savais pas que Marine Le Pen avait le sens de l’humour… C’est bizarre, dès que quelqu’un montre sa vraie nature, il est puni. Nous, à gauche, sommes toujours attaqués lorsque nous faisons des parallèles avec les années 1930, même s’ils sont évidents. Par exemple, la théorie du Grand Remplacement, adoptée par de nombreux partis d’extrême droite en Europe, a une origine nazie. Quand on le dit, ils sont très en colère parce que, à l’exception de l’AfD qui s’en fiche, ils ne veulent pas être considérés comme les héritiers des années trente. Cela explique les propos de Mme Le Pen. Mais d’un point de vue idéologique, les origines ne peuvent être niées. »

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