Thomas Piketty : « Le macronisme s’est effondré. Le conflit dans le pays n’oppose que la gauche et la droite. »

Thomas Piketty : « Le macronisme s’est effondré. Le conflit dans le pays n’oppose que la gauche et la droite. »
Thomas Piketty : « Le macronisme s’est effondré. Le conflit dans le pays n’oppose que la gauche et la droite. »

DeStefano Montefiori

Le célèbre économiste qui a décidé de soutenir le Nouveau Front Populaire : « Il a ce qu’il faut pour y arriver »

DE NOTRE CORRESPONDANT
PARIS – La gauche unie repart de Montreuil, la ville “ceinture rouge” de la banlieue parisienne où lors des dernières élections législatives de 2022 elle avait recueilli 63% des voix. Hier soir, sur la place Jean Jaurès devant la mairie, premier rassemblement du Nouveau front populaire. Avant de monter sur scène, le célèbre économiste Thomas Piketty répond aux questions du Corriere.

Pourquoi avez-vous décidé de soutenir le Nouveau front populaire ?
« Les prochaines élections verront l’affrontement entre le bloc de droite constitué autour du Rassemblement national, avec le soutien des Républicains (droite gaulliste, ndlr) et de la Reconquête (le parti d’Éric Zemmour, ndlr), et le bloc de gauche. qui fédère tous les partis de gauche et écologistes (socialistes, communistes, insoumis, écologistes). Le bloc libéral macroniste, qui se présentait comme centriste, disposait d’une base sociale bien trop étroite pour gouverner durablement le pays. Ce bloc s’est effondré, ouvrant la voie à un nouveau bipolarisme gauche-droite. »

Et qu’est-ce qui caractérise les deux blocs ?
« Le bloc de droite devient de plus en plus national-libéral : outre son fondement ethnocentrique, anti-islam et anti-immigration, qui ne permet pas aux citoyens de voter les lois financières et de gouverner le pays, il adopte désormais une approche de plus en plus antifiscal et antisocial, illustré par l’alliance entre Jordan Bardella, Éric Ciotti (président des Républicains, ndlr) et Marion Maréchal. En revanche, le Nouveau front populaire propose une plateforme de justice sociale et fiscale et d’investissement dans l’État-providence écologique. Je soutiens le NFP sans hésitation, car il prépare infiniment mieux l’avenir du pays que le bloc de droite.”

Dans le dernier livre récemment paru en Italie, « Une histoire de conflit politique » (La Nef de Thésée), écrit avec son épouse Julia Cagé, vous décrivez tous les deux l’abandon du monde rural par la gauche, mais vous êtes optimiste car vous identifiez les raisons pour lesquelles il est possible de le reconquérir, en perspective. Il ne reste plus que 10 jours avant le premier tour, est-ce réalisable ?
«Le bloc de gauche ne peut certainement pas tout renverser en un seul scrutin, d’autant plus que cette division territoriale s’est encore aggravée lors des élections européennes du 9 juin. Mais ce qui est tout à fait à notre portée, c’est de devancer le bloc de droite à l’issue des élections législatives, et donc d’avoir une majorité relative.”

Il y a des années, vous avez inventé la formule « Gauche brahmane et droite mercantile », faisant allusion à une gauche désormais enfermée dans la caste intellectuelle. Est-ce un concept que nous voyons également à l’œuvre ces jours-ci ? Par exemple dans le fait que Jordan Bardella, moins performant que ses adversaires, s’est montré en difficulté dans les duels télévisés et a quand même gagné ?
“Mais il ne faut pas oublier que la gauche dispose d’une base populaire solide dans le monde urbain, quelles que soient ses origines.”

Pensez-vous que cette union de la gauche très hétéroclite, qui va de l’ancien président François Hollande et du social-démocrate Raphaël Glucksmann jusqu’à l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon, pourra tenir ?
«Oui, je le pense. La gauche a ses contradictions, mais elle est finalement bien plus cohérente que le bloc national-libéral, qui s’effondrerait dès son arrivée au pouvoir. Cela dit, on peut s’épargner l’expérience, et je suis convaincu que beaucoup d’électeurs du Rassemblement National le savent bien. Je pense que lors de ces élections, ils se démarqueront du RN justement à cause de son virage libéral et antisocial.”

Vos adversaires sont très critiques à l’égard du programme économique du Nouveau front populaire, le jugeant intenable pour un pays déjà très endetté comme la France. Qu’en penses-tu?
«Bien sûr, c’est un programme durable. Parce que c’est celui qui investit le plus dans la formation et la transition énergétique, qui sont les clés de l’avenir.”

Craignez-vous une réaction négative des marchés internationaux si le Nouveau front populaire venait à s’imposer ?
«Il est certain que les marchés préféreraient maintenir Macron au pouvoir pour toujours et sans élections. Mais ils doivent comprendre que ce n’est pas possible et que le bloc de gauche est mieux armé pour l’avenir que le bloc national-libéral. »

18 juin 2024

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