La colère de Dieu | Mangialibri depuis 2005, jamais de régime

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Ibla, 14 décembre 1692. Le Père Constante le connaît bien, et surtout il sait comment il se perd dans ses pensées. Alors ça lui touche l’épaule, pour le ramener au présent et à ses devoirs. Bernardo, qui s’est déjà habillé et a mis son surplis et son étole, se déplace d’un pas sûr derrière le frère capucin qui concélébre avec lui depuis six ans. Si quelqu’un le regardait attentivement, il verrait un homme se dirigeant vers la potence. Au lieu de cela, les femmes qui sont à l’église cet après-midi de décembre, pas plus de quatre, ne voient rien d’autre qu’un prêtre prêt pour la messe du soir. Une fois la célébration terminée, il retourne à la sacristie, après avoir renvoyé Gasparino, l’enfant de chœur. La lumière du jour laisse place à un crépuscule teinté de violet. Bernardo observe avec enchantement les stries qui strient le ciel. Peu de temps après, quelqu’un frappe à la porte et un laquais, en knickerbockers et en livrée bleu sarcelle, apparaît à la porte de la famine. Il faut une seconde à Bernardo pour comprendre qu’il s’agit d’une personne envoyée par sa famille. Le jeune homme transpire à cause de l’embarras et, peut-être, parce que pour la première fois il a été débarrassé de ses haillons et habillé par les servantes du palais. Interrogé, il répond que la mère de Bernardo, la baronne, demande d’urgence la présence de son fils. Bernardo renifle, puis s’éclaircit la gorge et demande une lanterne au père Costante. Sortir vers le Palais L’Arestia Corbara. Là, l’attend Donna Ninfa De Torres, une Espagnole qui s’est installée à Ibla, contre sa volonté, pendant quarante-quatre ans, dont quarante vécus dans le deuil, auxquels la femme a ajouté le désespoir à cause de la déficience d’Eligio, Le jumeau de Bernardo. Mariée à quinze ans avec le baron L’Arestia Corbara, Donna Ninfa est arrachée à la vie de couvent qu’elle avait toujours désirée. Et il lui faut deux ans pour donner à son mari un héritier, ou plutôt deux, les jumeaux Eligio et Bernardo en fait. Veuve à seulement dix-neuf ans, la femme porte une robe noire et décide de s’isoler du reste du monde…

Un curé plein de contradictions, constamment en lutte avec lui-même et avec la vocation qu’il n’a jamais eue ; un homme fier, souvent dominé par la colère, qui vit entre l’insouciance et le péché et montre son côté imparfait dans la lutte continue entre le sens des responsabilités et la passion. Il s’agit du Père Bernardo, protagoniste du roman de l’écrivain ragusain Costanza DiQuattro qui revient plus tard Roque sicilien daté de 2022, pour parler de ses terres et en particulier du Val di Noto. Il le fait en plaçant son histoire au XVIIe siècle, à une époque où Ibla et toute la Sicile orientale ont été frappées par un tremblement de terre dévastateur qui a rasé une partie des villes, mais dont les cendres ont laissé de nombreux chefs-d’œuvre architecturaux de la période baroque tardive. Ainsi, de même que toute la passion et l’ardeur pour la belle Tresina et sa « belle condamnation » se libèrent de l’âme tourmentée de Bernardo, de la même manière la terre de Sicile, dévastée par le tremblement de terre, parvient à renaître d’abord plus imposante et riche en beauté. Comme le dit Di Quattro elle-même : “Avec ce livre… je célèbre la force des hommes qui ont construit ici des temples de la beauté, mais surtout j’exalte les dichotomies et les doutes qui ont toujours poussé l’homme à s’améliorer.” Le sacerdoce a été imposé à Bernardo – déchiré par un sentiment de culpabilité parce qu’il croit être la cause des déficiences de son frère Eligio – et il ne fait que se maudire et se condamner pour avoir accepté cette imposition. Il se traîne avec lassitude dans l’église où il travaille, parmi quelques paroissiens et la condamnation d’être le mauvais fils d’une mère en deuil depuis quarante ans. Lorsque le tremblement de terre dévaste tout, le pécheur Bernardo trouve une faible lumière, capable de le conduire à ce Seigneur dont il s’est toujours senti si éloigné. Et il se met au service des autres, convaincu que ceux qui ont survécu ont le devoir de se consacrer à ceux qui sont en difficulté. Un roman captivant, qui utilise un style d’écriture plutôt élégant et vraiment appréciable et qui raconte, outre le parcours difficile d’un homme tourmenté, la capacité d’une région à ne pas succomber aux chutes et à recommencer à chaque fois, avec une extrême dignité et courage admirable.

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