L’île du livre – Il Torinese

CHRONIQUE HEBDOMADAIRE DE LAURA GORIA

Elizabeth Strout « Lucy devant la mer » – Einaudi – 19,00 €

Elizabeth Strout, une écrivaine élancée de 68 ans qui vit entre New York et le Maine, est l’une des auteurs contemporaines les plus appréciées. Lauréate du prix Pulitzer en 2009 avec “Olive Kitteridge”, elle a l’immense capacité de raconter la vie à travers des tons, des pensées et des descriptions à peine murmurées, qui font du quotidien le théâtre d’un tableau bien plus vaste. De nombreux coups de pinceau légers mais très puissants.

Il s’agit de son quatrième roman consacré à Lucy Barton, personnage de fiction et son alter ego. Écrivaine à succès, grand cœur maternel envers ses deux filles adultes, deux mariages derrière elle et une tendance à avoir quelques crises de panique.

Après s’être mariée et avoir fondé une famille avec William, elle a dû divorcer. Puis la vie a mis sur son chemin un deuxième amour, l’adorable musicien David, que le destin lui a cependant enlevé trop tôt. Aujourd’hui, elle est une veuve presque inconsolable.

Le Covid complique encore davantage les choses. Nous sommes au début de la pandémie et William, qui est scientifique (et fraîchement issu d’un autre divorce), comprend immédiatement l’ampleur dramatique du virus. Il parvient à convaincre Lucy de s’enfermer avec lui dans une maison du Maine avec vue sur l’océan. Dans le Crosby imaginaire dans lequel il met en scène « Olive Kitteridge » (qui est entre autres mentionné dans plusieurs parties du dernier roman).

Le roman est un peu une chronique de la désorientation de la routine Lucy dans une maison qui ne lui ressemble pas, aux prises avec des ambiances alternées, sans jamais oublier d’où elle vient et la pauvreté traumatisante de son enfance. Son époque est marquée par des rituels minimes : les promenades, le rapprochement progressif avec William, les nouvelles. Mais aussi les chagrins auxquels sont confrontées les filles agitées et insaisissables.

Depuis les premiers signes de la pandémie, William a poussé ses filles Chrissy et Becha, ainsi que leurs maris, à s’éloigner des centres urbains pour des raisons de sécurité. Puis, on fait une troisième fausse couche, on devient désespérée, on devient squelettique et on a un amant. L’autre, cependant, est abandonnée par son mari, un pseudo-poète médiocre et jaloux du succès littéraire de sa belle-mère.

Le théâtre de tout le roman est une palette de couleurs de la nature, entre mers agitées ou calmes, ciels bleus qui deviennent orageux. Mais aussi des nouvelles de décès et de patients intubés qui luttent pour survivre.

Gaëlle Nohant « Les archives des destins » -Neri Pozza- 20,00 euros

Derrière les pages de ce livre se cachent plus de trois années de travail au cours desquelles l’auteur a mené une énorme enquête documentaire, rencontrant des témoins non seulement en Pologne et en Allemagne.

Ses recherches se concentrent sur les Archives Arolsen, également connues sous le nom de Service international de recherches, le plus grand centre de documentation et de recherche sur la persécution nazie. Il a été créé par les Alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et a déchaîné des détectives chargés d’enquêter sur le sort des victimes du nazisme, à la demande de leurs proches. Des pistes évidemment difficiles à suivre alors que les chambres à gaz, les crématoriums et les charniers ont englouti des familles entières.

Les personnages du livre sont presque tous fictifs, mais leurs expériences sont celles réellement vécues par ceux qui ont été submergés par la fureur nazie. Tout ce qui est raconté est basé sur la réalité historique. D’autant que Nohant a bénéficié de la collaboration et de l’amitié de personnes comme Nathalie Letierce-Liebig, qui travaille depuis 40 ans sur la Mission Recherche et Clarification des Destins et qui est en charge de la Mission Mémoire Volée.

La figure de la protagoniste du livre, Irène, s’inspire de cette femme incroyable, pour qui le travail de recherche réalisé est une vocation et un engagement qui imprègne toute son existence. Sa tâche est de restituer les milliers d’objets collectés dans le centre après la libération des camps d’extermination. Objets matériels, pour la plupart d’usage courant, retirés aux victimes : alliances, photos, portefeuilles, montres,…..

Toutes des trouvailles d’une immense valeur symbolique, des témoignages silencieux, mais criants d’horreur et des témoignages de vies fauchées. Grâce à eux les défunts retrouvent leur place dans le cœur des familles.

Irène tente par tous les moyens de renouer les liens familiaux interrompus par la guerre, récupérant peu à peu, avec effort, sensibilité et beaucoup d’émotion, quelques fragments du quotidien de ceux qui ont disparu. Ce faisant, leurs existences ne se limitent pas seulement à un destin tragique ; chaque vie, aussi courte et terrible soit-elle, est unique et précieuse.

Un livre magnifique et poignant qui rassemble et réconcilie les membres d’une famille à travers les générations. Il met également le doigt sur des blessures très douloureuses comme celles des enfants juifs arrachés à leur mère pour être donnés en adoption à des familles aryennes. Beaucoup d’entre eux ne se souviendront même plus de leur langue d’origine, tandis que leurs descendants retrouvés par Irène seront littéralement choqués face aux secrets que l’histoire a semés dans leurs familles,

Serena Dandini « La revanche des muses » -HarperCollins- 18,00 euros

Les muses décrites par Serena Dandini étaient des créatures dotées d’une grande intelligence et d’un grand talent, mais l’histoire a étendu sur elles un voile d’indifférence ; c’est pourquoi l’auteur a décidé d’écrire pour revendiquer sa grandeur et aussi pour la venger.

La sélection s’est faite en fonction des préférences de l’auteure qui a reconstitué un panthéon de figures féminines qui lui sont particulièrement chères et que les livres d’histoire ne mentionnent pas souvent. Les grandes femmes restaient pour la plupart invisibles.

Certains, comme Colette, se vengent d’eux-mêmes ; tandis que d’autres étaient considérées comme des ruineuses de famille, de mauvaises filles. Parmi ceux-ci figurent Alma Mahler et le Gala de Dali ; des femmes ambitieuses qui ont cultivé cette caractéristique en contrevenant à la règle selon laquelle les femmes doivent prendre du recul pour laisser une grande place aux hommes.

Elles ont su transformer leurs faiblesses en force, ont eu le courage de briser plusieurs tabous, dont celui d’être avec des hommes beaucoup plus jeunes.

Ce qui a déterminé leur parcours, c’est avant tout leur obstination à poursuivre leurs rêves. Une avant tout, la splendide Hedy Lamarr, première femme à apparaître nue à l’écran dans le film “Extase” en 1933. Elle devient alors l’actrice et la plus belle femme du monde ; mais de son côté il avait aussi un QI qui sortait de l’ordinaire.

Il étudie un système radiocommandé à distance qui n’existait pas encore en 1940 ; mécanisme ultra-sophistiqué qui permettait aux fréquences radio de changer continuellement et d’empêcher les interceptions ennemies. Une arme qui aurait pu contrer les agressions hitlériennes et qui est à la base de toute la technologie actuelle. Avec le musicien George Antheil, il développa un « système de communication secret pour missiles radiocommandés » qui resta cependant inutilisé jusqu’en 1958.

Les fréquences radio étudiées par Hedy Lamarr trouveront ensuite des applications dans les nouvelles technologies militaires et médicales, mais aussi dans le Wi-Fi et la téléphonie mobile et dans de nombreux autres appareils que nous utilisons aujourd’hui. Juste pour dire la grandeur d’une femme.

Patricia Cornwell « Causes contre nature » – Mondadori – 22,50 €

Tout commence avec la découverte macabre des restes horriblement mutilés de deux campeurs retrouvés dans une zone sauvage du nord de la Virginie. Les victimes sont Huck et Brittany, recherchés par le gouvernement fédéral pour blanchiment d’argent et terrorisme, car ils soutenaient le groupe pro-russe « The Replubic ».

Ce que les enquêteurs découvrent dans le camp semi-secret des victimes laisse penser à une attaque surprise très violente menée par plusieurs tueurs particulièrement impitoyables et sadiques. Pour faire la lumière sur ce qui s’est passé on retrouve Kay Scarpetta et sa nièce Lucy.

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