L’écrivain israélien Eshkol Nevo au Salon du Livre avec « Legami ». Et il avoue: «C’est pour ça que j’aime Turin»

« L’appartement, au quatrième étage, était magnifique. (…) La chambre donnait sur une église. Sous toutes les fenêtres s’ouvrait le réseau géométrique italien familier et bien-aimé de ruelles qui s’ouvraient dans un soupir de soulagement sur la place. C’est l’appartement, « près du marché aux puces. A deux minutes de via Garibaldi», dans lequel se déroule la dernière des 20 histoires Cravatesla collection qui Écrivain israélien Eshkol Nevo, 53 ans, présente en avant-première nationale au Salon du Livre. Il a été publié par Feltrinelli Gramma, la nouvelle maison d’édition vers laquelle Nevo est passé après avoir publié tous ses romans précédents avec Neri Pozza, y compris de grands succès tels que La symétrie des désirs (2012)e Trois étages (2017), sur lequel Nanni Moretti a basé son film. L’appartement décrit, sur la place Emanuele Filiberto, c’est aussi là que Nevo, souvent accompagné de sa femme et de ses trois filles, séjourne lorsqu’il vient en ville pour enseigner à la Holden School. «C’est le centre de mon Turin, celui que j’aime : le marché, le Balôn, le bureau de tabac, la supérette où l’on me connaît et me salue… Il y a tout un monde autour à découvrir. Et j’ai la chance de pouvoir le faire. Pas d’urgence”.

Comment est née l’histoire « Campane » ?
«C’est la faute, ou le mérite, des cloches de l’église voisine, qui m’ont rendu fou dès le premier soir. Un carillon, deux carillons, trois carillons et ainsi de suite. Chaque nuit. J’avais l’impression que je voulais résoudre le problème… En tant que juif, je ne vais pas à l’église, donc ça m’a semblé une bonne idée d’aller parler au prêtre. Devant son confessionnal, il y avait une longue file de pécheurs qui attendaient et j’ai vite changé d’avis… Ce n’est pas le cas de mon protagoniste, qui se rend chez le prêtre et c’est ainsi que commence l’histoire de Bells. Ce que j’ai immédiatement considéré comme l’histoire parfaite pour clôturer mon livre. Et c’est aussi un signe de mon amour pour Turin.”

Était-ce le coup de foudre ?
«Je dirais un amour né progressivement, mais très vite. En 2007, j’étais un écrivain inconnu et le matin de ma première présentation au Salon du livre, je ne me suis même pas réveillé à temps… Mais en 2011, j’ai commencé à collaborer avec Holden, l’une des meilleures écoles d’Europe, et depuis quelques années j’y enseigne pendant de longues périodes deux fois par an. Et de tomber amoureux de Turin, je suis définitivement passé au véritable amour… Je n’ai aucun doute sur quelle est la meilleure ville d’Italie. Ici, j’ai à chaque fois l’impression de rentrer chez moi, grâce surtout à mes amis, mais aussi aux gens que je rencontre dans les magasins et qui utilisent ces expressions que j’aime tant, comme “Je ne sais pas !”, “Allez”. ..».

Un amour partagé par sa famille, non ?
«Chaque membre a sa préférence. Yarra, ma seconde, adore Balôn. Amalia via Garibaldi, Lila via Roma, ma femme Anat au parc Valentino. Et tous ensemble nous allons nous détendre dans un café au bord de la rivière. Et tout cela grâce à Holden. Sur le modèle de cette magnifique institution, j’ai fondé mon école en Israël, pour créer, écrire, mais avec joie et plaisir.”

Comment vit-il en ville et quels sont ses endroits préférés ?
«C’est ici à Turin que le 2 octobre dernier j’ai commencé à faire du jogging, tous les matins sauf le vendredi, et je n’ai jamais arrêté. J’aime particulièrement courir tôt le matin dans la via Garibaldi, avant l’ouverture des magasins. Ensuite je retourne prendre une douche, je descends sur la place boire mon “long café” (il le dit en italien, ndlr), je vais au marché, ou pour enseigner, ou j’écris… Ici J’ai trouvé mes restaurants préférés dans le monde. Le meilleur : le Ristò de la via Bertola, avec ses entrées, ses risottos et son sous-chef Armando. Et puis Gallina pour le poisson, au cœur merveilleux de Porta Palazzo. Même dans ma ville natale, je n’ai pas autant d’endroits préférés…”.

Comment regardez-vous l’Italie lorsque vous êtes en Israël, surtout en ces temps difficiles ?
«Quand la guerre a éclaté, en octobre dernier, nous étions ici à Turin. Mais nous voulions retourner dans notre pays blessé, dans notre communauté. Mais j’ai vite réalisé que Turin est ma deuxième patrie, l’endroit auquel je pense pour retrouver de l’énergie. J’ai de la chance, car de nombreux écrivains dans le monde n’ont pas de pays où vivre, j’en ai deux. Turin est mon refuge.”

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