Entre fourneaux et plats, le livre Open Kitchen vous ouvre les portes des restaurants

C’est grâce à Tommaso Melilli que je coupe le céleri et l’oignon les plus fins dans le sauté, c’est aussi grâce à Tommaso Melilli que j’ai peut-être survécu au confinement en lisant de merveilleux restaurants à l’époque où nous restions à la maison, préparant maladroitement du pain, des farines aux noms énigmatiques.

Ce nouveau livre, qui n’est pas si nouveau pour ceux comme moi qui avaient eu entre les mains l’édition originale française au titre culinaire de guerre Spaghetti Wars>, sorti en 2018 par l’une des maisons d’édition les plus belles et les plus colorées d’Au-delà des AlpesNouriturfu >est peut-être plus d’actualité aujourd’hui qu’à sa sortie.

C’est une sorte de livre de recettes anthropologique Cuisine ouverte vient de sortir pour les types de 66THAND2NDmême si quelqu’un pourrait affirmer qu’il n’existe pas de livres de recettes qui ne soient, comme si la nourriture n’était pas toujours aussi anthropologique, de la plus haute qualité.

L’inspiration démocratique, même égalitaire, demeure dans les écrits de Tommaso Melilli en fait la véritable figure de ce livre, c’est la grande dignité qui traverse la vie et la pensée de ceux qui font de la restauration, les plus chanceux par choix, les autres par nécessité, la valeur ontologique de l’hospitalité dans son sens le plus large, le plus vrai et le plus extrême.

Les tons doux-amers et héroïques avec lesquels les protagonistes de ce monde dans lequel se produit ce qu’il appelle photosynthèse de l’hospitalitéde ces protagonistes du désir, qui veillent chaque soir à ce qu’il y ait de quoi manger dans l’assiette, pour les autres, puisque la condition pour travailler et vivre dans le monde de la restauration est la générosité : « être prêt à donner plus que ce qu’on devrait, et ce qu’on nous demande.”

il y en a plusieurs France C’est beaucoup existentialisme, dans ces pages, dans ces histoires qui ont pour scène des compteurs de zinc (le seul métal qui conduit l’amitié), des dieux Bistrodu bistronomie Parisien des années 2000, de l’appli Le Foodingdes tabliers, dans le denin bleu des cuisiniers échevelés, il y a les lave-vaisselleou plongeurtoujours appelés par leur nom, (Melilli a écrit de belles pages sur l’un d’eux), mais il y a surtout ce sentiment, à la fin de chaque histoire, qui s’apparente à celui ressenti à la fin d’un service : avoir fait quelque chose avec humilité utile et nécessaire.

Entre les pages de Cuisine ouverte il y a une volonté d’expliquer ce qui se passe dans ces endroits étranges qui monopolisent nos flux de médias sociaux mais sur lesquels nous continuons à si peu de savoir : les restaurants.

Les restaurants comme lieux de découverte de l’insolite comme avant-postes de rencontres humaines et culinaires, des lieux où de vrais chefs parviennent à trouver dans leurs plats un équilibre sur la corde raide entre néophobie Et néophilieentre curiosité et terreur.

Les restaurants dans lesquels se créent de nouvelles identités, s’inventent des traditions (les traditions s’inventent toujours), des identités qui se fondent sur l’hybridation, sur le métissage, sur la beauté qui naît de la rencontre avec le différent, dans lesquelles le nouveau peut encore se produire.

Les pages montrent les images d’une vie qui change, d’une France qui change, et de la façon dont le monde entier en arrière-plan change à son tour, pas nécessairement pour le mieux. Les pages à la mémoire du défunt auteur de. Cuisine confidentielle, Antoine Bourdain, qui aimait le Negroni parce que, disait-il, “Cette chose au goût long, très doux au début et très amer à la fin, lui rappelait sa vie et les erreurs qu’il avait toujours continué à commettre”.

Ce petit livre nous rappelle sans mots anglais forcés que parler de nourriture (heureusement pas de nourriture) signifie toujours parler un peu de nous-mêmes, du monde dans lequel nous vivons, de la façon dont ce monde change avec nous, car « l’histoire des hommes c’est toujours une histoire de leur faim.

Ce petit livre nous fournit peut-être une humble boussole pour nous orienter en ces temps incertains, il nous parle de plats où la politique est inévitable, “qui sont ceux qui sont préparés chez les lave-vaisselle le jour où ils ne travaillent pas, ils sont les plats traditionnels, qu’ils ne peuvent pas manger aux gens qui sont massacrés et chassés de chez eux”, alors que nous cachons notre ennui avec nos restaurants de cuisine “revisitée”.

Ce petit livre est un livre nécessaire.

Cuisine ouverte
Tommaso Melilli
66e2e, 2024
160pages
14,25 euros

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