l’invitation à réfléchir sur le livre de Mgr Angiuli

Évêque et laïc, c’est ainsi que se définissait l’évêque émérite d’Ivrée, Mgr Luigi Bettazzi. Évêque et philosophe, c’est ainsi que pourrait être défini Mgr. Vito Angiuli, évêque d’Ugento – Santa Maria di Leuca. Non seulement pour ses nombreuses publications d’un caractère extrêmement philosophique réalisées au fil des années (à commencer, en termes de pertinence, par la monographie monumentale Ragione moderni e storia del Gerusalemme sur l’Atheismus triomphatus de Tommaso Campanella), mais aussi pour son dernier livre “Nous sont à l’extérieur du tunnel ? Écrit dans les années de Covid et les guerres en Ukraine et en Palestine : pandémie, paix, Méditerranée, Occident (2020-2023)”, récemment publié par la maison d’édition VivereIn.

Le livre

S’il est vrai qu’à première vue, il semble aborder exclusivement des questions sociales, économiques, géopolitiques et sanitaires, au fur et à mesure que l’on approfondit la lecture, on découvre que les « lunettes » avec lesquelles Mgr Angiuli aborde ces questions ont une lentille qui est celle de la foi et de la théologie, tandis que l’autre est celle de la raison et de la philosophie : « La raison interroge et la foi répond, mais elle n’annule pas la question et ne la rend même pas superflue. En effet, il l’exige » (p. 85). Je crois ut intelligam, intelligo ut credem, pourrait-on dire avec un autre illustre évêque-philosophe, Augustin d’Hippone.
Dans les pages denses de Mgr Angiuli, dont le fil conducteur est représenté par la recherche constante et la réalisation du « difficile équilibre entre la remise en question de la raison et l’affirmation de la foi » (p. 85), le poids de la philosophie est d’une actualité impressionnante, comme en témoignent les copieuses citations de philosophes du canon classique (Augustin, Arendt, Aristote, Bruno, Cardano, Cusano, Deleuze, Eckhart, Heidegger, Husserl, Kant, Kierkegaard, Levinas, Lyotard, Marx, Nietzsche, Pascal Platon, Pomponazzi, Sénèque, Spengler, Spinoza , Telesio, Tommaso, Vanini, Wittgenstein etc.) ou contemporains (Norberto Bobbio, Massimo Cacciari, Costantino Esposito, Sossio Giametta, Hans Jonas, Edgar Morin, Giovanni Reale etc.) qui embellissent les homélies, messages, articles et interventions que le volume recueille.
Mgr Angiuli utilise cet impressionnant héritage idéal et intellectuel pour tirer aussi (mais pas seulement, évidemment) de profondes leçons philosophiques des trois événements qui, entre 2020 et 2023, ont “ébranlé l’humanité entière” (p. 5) : le Covid-19 pandémie, la guerre entre la Russie et l’Ukraine et le conflit en Palestine. La première et peut-être la plus importante de ces leçons est «l’acceptation convaincue du sens des limites et la reconnaissance de la fragilité et de la finitude connaturelles de notre humanité» (p. 18), car «la conscience de la fragilité permet à l’homme de mesurer correctement son lui-même, de sa propre finitude et de la compréhension des limites des autres » (p. 77).
Marx disait que « la honte est déjà une révolution ». En le paraphrasant, on pourrait affirmer que pour Mgr Angiuli, la conscience d’être fragile (d’un point de vue personnel – c’est-à-dire physique, psychologique, éducatif et relationnel -, social, environnemental et institutionnel) est aussi un acte politique révolutionnaire ou, en tout cas , elle peut et doit avoir une implication politique : « La conscience d’être fragile aide à construire un monde meilleur » (p. 77). Un monde meilleur dans lequel « la pensée calculatrice (M. Heidegger) doit s’intégrer à la pensée méridienne (A. Camus) » (p. 351), c’est-à-dire à une pensée qui « cherche une mesure, ou une intersection harmonieuse entre l’humain, divin et naturel » (p. 352), dépassant la conception typiquement moderne du monde « fondée sur la suppression du rapport au sacré et à la nature, vouée à la technique froide et au nihilisme » (p. 352).
On ne connaît que trop bien la célèbre phrase de Norberto Bobbio, évoquée à plusieurs reprises par Mgr Angiuli : « La différence importante pour moi n’est pas entre croyants et non-croyants, mais entre les gens pensants et les non-pensants ; c’est-à-dire entre ceux qui réfléchissent aux différents pourquoi et les indifférents qui ne réfléchissent pas. L’espèce indifférente, qui est de loin la plus nombreuse, se retrouve aussi bien parmi les croyants que parmi les non-croyants. » Voilà, on est sorti du tunnel ? c’est avant tout un livre pour les « gens qui réfléchissent » et pour ceux qui ne sont pas « indifférents ».

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Journal des Pouilles

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