n’envoyons pas la dignité dans l’isolement

Venise a toujours été un « lieu de rencontre et d’échange culturel » et est donc appelée à être « un signe de beauté accessible à tous, en commençant par le plus petit, un signe de fraternité et de soin pour notre maison commune ». En bref, Venise est « une terre qui fait des frères ». C’est ainsi que le Pape François résume son arrêt dans la ville lacustre où il a visité le Pavillon du Vatican à la Biennale situé dans la prison pour femmes de la Giudecca et a rencontré les jeunes et les fidèles d’un diocèse qui, au cours du siècle dernier, a donné trois Papes à l’Église, dont deux saints (Pie X et Jean XXIII) et un bienheureux (Jean-Paul Ier).
Il le fait dans l’homélie qu’il prononce lors de la messe présidée dans le cadre splendide de la Place Saint-Marc, devant plus de dix mille fidèles. La visite est courte, cinq heures au total, mais intense. Marqué par trois rendez-vous. Le Pape, au-delà des difficultés connues pour marcher, apparaît en excellente forme. Il lit tous les discours, y ajoutant souvent des réflexions improvisées, notamment en prison et auprès des jeunes.

L’hommage des rameurs au passage du Pape – Ansa

Dans la prison des femmes
Le premier rendez-vous, le plus émouvant, a lieu à la prison pour femmes de la Giudecca. Là, le Pontife atterrit dans l’hélicoptère qui l’a transporté de Rome. L’attendent les quelque 80 détenus qui ont collaboré avec enthousiasme à la création du Pavillon. Francesco les salue un à un puis prend la parole. «Je voulais te rencontrer – confie-t-il – au début de ma visite à Venise pour te dire que tu as une place spéciale dans mon cœur». Il ne considère pas cela comme une « visite officielle », mais « une rencontre au cours de laquelle, par la grâce de Dieu, nous nous accordons du temps, de la prière, de la proximité et de l’affection fraternelle ».
François rappelle que la prison est « une dure réalité, et des problèmes tels que la surpopulation, le manque de structures et de ressources, les épisodes de violence, génèrent beaucoup de souffrance ». Cependant, il peut aussi devenir « un lieu de renaissance, de renaissance morale et matérielle, dans lequel la dignité des femmes et des hommes n’est pas « mise en isolement », mais promue par le respect mutuel et le souci des talents et des capacités, peut-être laissés en sommeil ou emprisonnés. . des événements de la vie, mais qui peuvent resurgir pour le bien de tous et qui méritent attention et confiance”. Car « personne n’enlève la dignité d’une personne, personne ! ». Le Pontife s’inspire de l’événement artistique organisé dans la prison pour rappeler combien « il est fondamental que le système pénitentiaire offre également aux détenus des outils et des espaces de croissance humaine, spirituelle, culturelle et professionnelle, en créant les conditions de leur saine réinsertion ». «S’il vous plaît – insiste-t-il –, ne « isolez pas la dignité », n’isolez pas la dignité mais donnez de nouvelles possibilités ! ». «N’oublions pas – poursuit-il – que nous avons tous des erreurs à pardonner et des blessures à guérir, moi aussi, et que nous pouvons tous être guéris qui amène la guérison, pardonnés qui amène le pardon, renaître qui amène la renaissance ».

François bénit une dame – Ansa

Parmi les artistes
S’installant dans l’église Santa Maria Maddalena delle convertite, chapelle de la prison, François rencontre les artistes qui ont exposé leurs créations dans le Pavillon du Vatican. L’accueille avec un salut le cardinal José Tolentino de Mendonca, préfet du Dicastère pour la culture et l’éducation et commissaire du Pavillon. Pour le cardinal portugais, le choix de François d’être le premier Pontife à visiter la Biennale inaugure « une nouvelle ère dans les relations de l’Église avec le monde des arts », après le « « divorce » provoqué également par la difficulté de l’Église à comprendre et à accepter l’autonomie de l’art, qui, à juste titre, n’accepte pas d’être une simple caisse de résonance de la parole d’autrui.” Les autorités sont également dans l’église. Le ministre de la Justice Carlo Nordio, le gouverneur vénitien Luca Zaia, le maire Luigi Brugnaro. Le Pape les salue puis se tourne vers les artistes. Il s’inspire d’une image biblique pour espérer que les différentes pratiques artistiques pourront « se constituer partout comme une sorte de réseau de villes refuge, collaborant pour libérer le monde des antinomies insensées et désormais vidées, mais qui tentent de prendre le dessus dans le racisme, la xénophobie, les inégalités, le déséquilibre écologique et l’aporophobie, ce terrible néologisme qui signifie « phobie des pauvres »». Francesco réitère combien il est de plus en plus urgent de pouvoir distinguer clairement l’art du marché. Car certes « le marché promeut et canonise », mais il existe toujours le risque « qu’il « vampirise » la créativité, vole l’innocence et, finalement, instruise froidement ce qu’il faut faire ». J’espère donc de tout cœur que l’art contemporain « pourra ouvrir notre regard, nous aider à valoriser de manière adéquate la contribution des femmes, en tant que co-protagonistes de l’aventure humaine ».

La caresse du pape à un enfant

La caresse du pape à un enfant – Ansa

La rencontre avec les jeunes
La deuxième étape de la visite de François à Venise est la rencontre avec les jeunes du diocèse. Des délégations des 14 autres Églises de la région de Triveneto y participent également. Le rendez-vous a lieu devant la Basilique de la Salute. Le Pape est accueilli avec joie et enrichit à plusieurs reprises son discours préparé de phrases et d’exhortations improvisées. Il le coupe et le rend plus direct. Il aborde notamment la question de la fragilité des nouvelles générations. «Souvent – affirme-t-il – nous nous retrouvons à lutter contre une force de gravité négative qui nous fait tomber, une inertie oppressante qui veut nous faire voir tout comme gris. Parfois, cela nous arrive. Comment faire? Pour nous relever – ne l’oublions pas – il faut d’abord se laisser relever : se laisser prendre par la main du Seigneur, qui ne déçoit jamais celui qui a confiance en Lui, qui élève et pardonne toujours.” Mais ensuite, une fois relevés, c’est à notre tour de rester debout, observe Francesco. Et c’est là que la cohérence est nécessaire. « Qu’est-ce qui compte dans la vie ? Aimer la foi. Et pour grandir dans la foi et dans l’amour, il faut faire preuve de persévérance et toujours aller de l’avant », explique le Pape. Et il ajoute : « Ici, le risque est de tout laisser à l’improvisation : je prie si j’en ai envie, je vais à la messe quand J’en ai envie, je fais du bien si j’en ai envie… Cela ne donne pas de résultats : il faut persévérer, jour après jour. Et faites-le ensemble, car ensemble nous aide toujours à avancer. Ensemble : le « faites-le vous-même » ne fonctionne pas dans les grandes choses.” D’où des suggestions concrètes, exprimées sur un ton familier : « Ne vous isolez pas, cherchez les autres, faites l’expérience de Dieu ensemble, parcourez les chemins de groupe sans vous fatiguer. Vous pourriez dire : « Mais autour de moi, tout le monde est livré à lui-même avec son téléphone portable, accro aux réseaux sociaux et aux jeux vidéo. » Et vous, sans crainte, allez à contre-courant : prenez la vie en main, mettez-vous en jeu ; éteignez la télé et ouvrez l’Évangile – est-ce trop ? –, laissez votre téléphone portable et rencontrez du monde ! Le téléphone portable est très utile, pour communiquer, c’est utile, mais soyez prudent lorsque le téléphone portable vous empêche de rencontrer des gens. Utilisez votre téléphone portable, c’est bien, mais rencontrez des gens ! Vous savez ce qu’est un câlin, un baiser, une poignée de main : des gens. N’oubliez pas ceci : utilisez votre téléphone portable, mais rencontrez des gens.”
François invite les jeunes à être à contre-courant, à être de vrais « révolutionnaires », en donnant vie à « une symphonie de gratuité dans un monde en quête de profit ». Être « des créateurs de beauté et faire quelque chose qui n’existait pas auparavant ». “C’est beau! – ajoute-t-il – Et quand vous serez marié et que vous aurez un fils, une fille, vous aurez fait quelque chose qui n’existait pas avant ! Et c’est là la beauté de la jeunesse, lorsqu’elle devient maternité ou paternité : faire quelque chose qui n’existait pas auparavant. C’est beau. Pensez en vous-mêmes aux enfants que vous aurez, et cela doit nous pousser à avancer, ne soyez pas des professionnels de la frappe compulsive, mais des créateurs d’innovation !

Les fidèles de la place Saint-Marc

Les fidèles de la place Saint-Marc – Ansa

La messe sur la place Saint-Marc
Le dernier rendez-vous du dimanche vénitien de François est la messe sur la place Saint-Marc. Concélébrée avec le Patriarche Francesco Moraglia – qui a accueilli et accompagne le Pape tout au long de la visite -, avec le Cardinal de Mendonca, avec les autres évêques du Triveneto et du Dicastère pour la culture et l’éducation, en s’inspirant de l’Évangile proclamé par le Pontife, on réitère ce que. Ce qui importe dans la vie, c’est de demeurer dans le Seigneur, de demeurer en Lui. » Mais ce verbe – rester – « ne doit pas être interprété comme quelque chose de statique, comme s’il voulait nous dire de rester immobiles, parqués dans la passivité ; en réalité, cela nous invite à avancer, car rester dans le Seigneur signifie grandir ; rester toujours dans le Seigneur signifie grandir, grandir dans la relation avec Lui, dialoguer avec Lui, accueillir sa Parole, le suivre sur le chemin du Royaume de Dieu”. François jette alors son regard sur Venise. «Nous admirons – déclare-t-il – sa beauté enchanteresse, mais nous nous inquiétons également des nombreux problèmes qui la menacent : le changement climatique, qui a un impact sur les eaux de la Lagune et sur le territoire ; la fragilité des bâtiments, du patrimoine culturel, mais aussi des personnes ; la difficulté de créer un environnement à échelle humaine grâce à une gestion touristique adéquate ; et aussi tout ce que ces réalités risquent de générer en termes de relations sociales effilochées, d’individualisme et de solitude. Pour le Pape, nos communautés chrétiennes, nos quartiers, nos villes doivent devenir des lieux hospitaliers, accueillants et inclusifs. Et Venise, “qui a toujours été un lieu de rencontre et d’échange culturel”, est “appelée à être un signe de beauté accessible à tous, en commençant par le plus petit, un signe de fraternité et de soin pour notre maison commune”. Venise est véritablement une « terre qui fait des frères ».

Discours du patriarche Moraglia

Discours du Patriarche Moraglia – Photogramme

A la fin de la messe, il y a un salut du patriarche Moraglia. C’est un grand “merci”. Un “merci” notamment, ajoute-t-il en s’adressant à François, “pour le mot paix qui résonne inlassablement sur ses lèvres”. Le prélat rappelle que l’icône de la Madonna della Salute est présente sur la place, exceptionnellement transférée de la basilique du même nom, également appelée “Mesopanditissa”, c’est-à-dire médiatrice de paix, car avant elle, en 1264, la guerre qui dura plus d’un demi-siècle entre Venise et Candie. «Venise est une ville magnifique, fragile et unique et a toujours été un pont entre l’Orient et l’Occident, un carrefour de peuples, de cultures et de croyances différentes», souligne le Patriarche. Et il ajoute : « C’est pour cela qu’à Venise, les grands thèmes de ses encycliques – « Fratelli tutti » et « Laudato si’ » – trouvent une confirmation précise : le respect et le soin de la création et de la personne, à partir du bien suprême de la vie. qu’il doit toujours être respecté et aimé, surtout lorsqu’il est fragile et demande à être accueilli. « Comme signe concret et durable de sa visite – annonce alors Moraglia – l’Église de Venise entend mettre huit mini-hébergements à la disposition de sujets fragiles, en particulier des femmes en quête de réinsertion sociale ; ce sont des espaces rénovés dans la Casa della Carità (ancien couvent des Muneghette), dédiés à San Giuseppe et situés dans le centre historique de Venise”.
Le mot paix revient sur les lèvres de François dans la brève introduction à la prière mariale du Regina Coeli qui clôt la célébration liturgique sur la place Saint-Marc. Le Pape tourne son regard vers Haïti, où l’état d’urgence est en vigueur et où la population est désespérée en raison de l’effondrement du système de santé, du manque de nourriture et de la violence qui la pousse à fuir. «Confions au Seigneur – est l’invocation du Pontife – les travaux et les décisions du nouveau Conseil présidentiel de transition, qui a pris ses fonctions jeudi dernier à Port-au-Prince, afin qu’avec le soutien renouvelé de la communauté internationale, il puisse conduire le pays à atteindre la paix et la stabilité dont il a tant besoin. » D’où la pensée renouvelée « de l’Ukraine tourmentée, de la Palestine et d’Israël, des Rohingyas et de nombreuses populations qui souffrent à cause des guerres et de la violence ». «Que le Dieu de paix – ajoute-t-il – éclaire les cœurs pour que grandisse en chacun le désir de dialogue et de réconciliation». Enfin, les remerciements du Pape aux fidèles et au Patriarche pour l’accueil reçu. «Je t’emmène avec moi dans la prière; – conclut-il avec une référence sans précédent à la lourde tâche d’être le Successeur de Pierre – et vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi, car cette tâche n’est pas facile !
Dernier moment de la visite, un moment de prière silencieuse devant les reliques de Saint Marc, dans la majestueuse Basilique qui les abrite. Puis retour en hélicoptère à Rome.

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