Pistoia, entretien avec Adelmo Cervi : “Luttons pour les idéaux et la solidarité”

De Stefano Di Cecio

PISTÔIA – Pistoia accueilli Adelmo Cervi, fils d’Aldo, l’un des sept frères Cervi fusillés par les fascistes le 28 décembre 1943 à Reggio Emilia. Adelmo, 80 ans, était présent hier soir au club de l’entreprise Hitachi où a été projeté le film documentaire basé sur son livre “Mes sept pères”.

Et c’est précisément au club Hitachi que nous l’avons interviewé : une interview qui commence dès l’après-guerre et se poursuit jusqu’à aujourd’hui. « Battons-nous pour les idéaux, la solidarité, ce qui nous unit. Notre tâche est de rendre justice, pas de discuter », déclare Adelmo.

Ci-dessous l’entretien.

Quel est votre souvenir familial le plus marquant ? J’avais quatre mois lorsqu’ils ont abattu mon père. Mes souvenirs commencent donc après la guerre, après la Libération. Je me souviens qu’il y avait encore une partie de la maison incendiée. Les fascistes, l’ayant encerclée, l’avaient brûlée à leur arrivée pour le faire sortir, lui et ses frères. La partie la plus importante a été réparée, même s’il n’y avait pas beaucoup de volonté de reconstruire la maison Cervi. Pendant quelques années, c’était assez dur, notamment parce qu’il restait une famille sans hommes pour travailler la terre, sans ma mère, sans mes tantes. Personne n’avait pu s’approcher de la maison parce que c’était une maison de rebelles, une maison de bandits contrôlée par les fascistes.

Existe-t-il un moyen de préserver la mémoire historique et de la transmettre aux générations d’aujourd’hui ? Mémoire… J’ai voyagé toute ma vie, emportant avec moi l’histoire de ma famille, mes pensées. Maintenant, je trouve cela de plus en plus difficile. La mémoire est importante si elle nous guide pour construire quelque chose de bon dans le présent.

Que pensez-vous du gouvernement actuel Aile droite? Je pense que ce qui nous arrive n’est pas une histoire de dernière minute, c’est une longue histoire, c’est une histoire d’erreurs que nous avons toujours commises. Après la Libération, il y avait un fort air de redressement parmi une partie de la population. Je n’aime pas les populistes, d’où qu’ils viennent. Le populisme a été utilisé à mauvais escient tant à droite qu’à gauche et c’est le prix que nous payons parce que nous n’avons pas transmis les bons idéaux pour construire un monde différent. Ceux qui ont donné leur vie voulaient un monde de justice, de liberté, ils voulaient que chacun soit libre de construire, qu’il puisse s’exprimer et décider avec les autres de son propre destin. En tant que communiste, je veux dire qu’il y a eu aussi des erreurs à gauche, la droite fait son travail et nous n’avons pas pu faire le nôtre.

Le voyez-vous comme une lueur d’espoir et de changement ? Écoutez, je vois cette lueur chez les jeunes que je rencontre dans les écoles. Honnêtement, j’en ai marre de circuler et de ne voir que des têtes grises, j’ai aussi envie de voir des têtes blondes. Je veux que l’histoire des frères Cervi soit connue. Ce sont ces idéaux qu’il faut porter, en parlant de la Résistance, en parlant de ce que nous avons vécu. C’est la raison pour laquelle, même aujourd’hui, nous devons toujours être prêts à lutter contre les énormes injustices qui existent dans ce monde.

Etes-vous toujours intéressé par la mémoire ? Beaucoup n’étaient pas intéressés même lorsque mon père a donné sa vie, quand il est parti avec son groupe il a dû le faire en secret, ils étaient une minorité. Ce n’est que plus tard, ces derniers temps, que la Guerre de Libération a été idolâtrée. Mon père n’était pas seulement antifasciste mais aussi anticapitaliste parce qu’il comprenait que le capitalisme était une société injuste.

Adelmo Cervi

Votre père croyait-il à la possibilité d’améliorer sa propre vie et celle des autres ? Quand on me dit aujourd’hui « ce sont des moments difficiles », je dois dire que c’étaient des moments difficiles pour mon père aussi et même avant. Mon père et ses frères étaient métayers, ils devaient travailler la terre pour nourrir une famille de plus de 20 adultes et enfants et ce avec la moitié de la récolte, car l’autre moitié appartenait au propriétaire du terrain. Mais ce qui unissait les familles paysannes, c’était la solidarité humaine. Mes idéaux sont ceux pour lesquels mon père et des milliers d’autres camarades se sont battus. La démocratie est une chose importante et nous devons l’utiliser sérieusement. Utiliser la solidarité pour comprendre les vrais problèmes et construire un monde dans lequel il existe une relation humaine entre les gens.

Aujourd’hui tout est plus accessible, sommes-nous peut-être plus prisonniers qu’avant ? Libre d’obéir aux puissants qui nous entourent. Nous devons nous unir sur des choses fondamentales comme la liberté et la justice. Nous disposons depuis un certain temps d’une arme importante et c’est la Constitution. Je pense qu’il faut reprendre la Constitution et les valeurs pour lesquelles est née cette nouvelle Italie, qui n’est jamais vraiment née. Tous les partis italiens ont rédigé la Constitution. C’est pourquoi je dis parfois, nous avons une arme à feu et nous l’avons toujours eu, pourquoi ne l’avons-nous pas utilisée ? Nous trouvons mille raisons de discuter mais concentrons-nous sur les choses importantes qui nous donnent l’opportunité de nous unir.

PREV La fondation « Capital & Work » est née à Trévise
NEXT Le Centre d’Éducation à la Paix de Rovereto et l’expérimentation de formes créatives d’implication, dans le sillage de la pensée d’Alex Langer (Laura Tussi)