Ferrare et d’autres raisons de se souvenir de Giacomo Matteotti

  1. Comme tous les Ferrarais le savent, il existe un lien profond entre Giacomo Matteotti et leur ville.

Giacomo Matteotti fut élu pour la première fois à la Chambre en 1919 dans la circonscription de Rovigo-Ferrare. Il est secrétaire de la Chambre du Travail de Ferrare, qui comptait à l’époque 70 000 membres. C’est à Ferrare que, le 14 janvier 1921, il subit la première attaque d’escouade. Le train qui, au milieu de la nuit du 20 août 1924, transportait le corps de Matteotti à Fratta Polesine s’arrêta à la gare de Ferrare et – comme le raconte Riccardo Nencini (Je meurs pour toi, Mondadori, 2024, p. 144) – «pendant que deux femmes attachent un bouquet de fleurs sauvages au corbillard, les vieillards se souviennent». Ce n’est donc pas un hasard si le premier et (encore aujourd’hui) le seul film consacré à Le crime Matteotti elle est due à un réalisateur ferrarais, Florestano Vancini.

Voici le truc : souviens-toi Giacomo Matteotti, à l’occasion du centenaire de son enlèvement et de son assassinat politique barbare, tous deux perpétrés le 10 juin 1924. Un de ces gongs de l’histoire dont le son est impossible à ignorer.

  1. Préserver sa mémoire est un véritable devoir civique pour une ville comme Ferrare, dont l’histoire de ces années-là est liée de manière coupable au mouvement fasciste.

C’est dans la région de Ferrare (et en Polesine) que le fascisme devient le bras armé des propriétaires fonciers contre les Chambres du Travail et les Ligues. C’est ici, sous la direction d’Italo Balbo, Ras de Ferrare, que le fascisme rural a donné naissance à la milice politique que Mussolini – le 15 décembre 1921 – a transformée en parti. C’est à Ferrare qu’est né l’escadrisme féminin, contre la socialiste Alda Costa. C’est à Ferrare que Balbo met en œuvre la stratégie sans précédent de siège de la ville, pour forcer le gouvernement national à négocier avec les fascistes occupants : ces violentes journées ferraraises d’avril 1922 seront ensuite reproduites à Bologne, Rovigo, Crémone, Ravenne. Balbo de Ferrare – comme on l’appelle – fait partie des quadrumvirs de la Marche sur Rome.

Ferrare est aussi la ville gouvernée pendant douze ans par Renzo Ravenna, maire juif alors victime des lois raciales (c’est-à-dire racistes) de 1938. Au lendemain de leur entrée en vigueur, l’Université de Ferrare s’employait à se débarrasser d’une partie des ses professeurs les plus illustres (les docteurs Aldo Luisada, Cesare Tedeschi, Maria Zamorani ; les juristes Vittorio Neppi et Angelo Piero Sereni), préférant endormir ses étoiles montantes (l’anthropologue Mario Francesco Canella ; la juriste Lea Meriggi) engagées à donner une base scientifique à la doctrine de la race. À Ferrare, le 21 septembre 1941, jour du Nouvel An juif, les deux synagogues de la via Mazzini furent profanées par les squadristi dirigés par le hiérarque Asvero Gravelli: le lendemain, le journal local le plus diffusé, Le courrier Padano réalisé par Nello Quilici, définit l’épisode comme “une inspection quelque peu animée”. À Ferrare, le 19 octobre 1943, “le train de la Shoah s’est arrêté avec 1023 Juifs de Rome déportés par les nazis pour l’extermination d’Auschwitz”, comme l’indique la plaque placée sur le premier quai de la gare de la ville.

Ferrara a donc, en raison de son histoire, une raison supplémentaire de se souvenir de la figure de Giacomo Matteotti, qui incarne au contraire le rejet le plus intransigeant du fascisme. À une indemnisation partielle et tardive.

  1. Toutes les administrations municipales supportent le fardeau d’un travail mnémotechnique collectif, à réaliser à travers les archives, la toponymie, les monuments et les célébrations.

Dans ce contexte, à l’initiative de la sénatrice Liliana Segre, première signataire, et après un vote unanime des deux chambres, le Parlement a approuvé une loi ad hoc (n. 92 de 2023). Il vise à promouvoir les initiatives festives dans «lieux plus étroitement lié à la figure de Giacomo Matteotti, qui sera créé à l’occasion du centième anniversaire de sa mort, également en collaboration avec les autorités locales» (art. 2, paragraphe 1). De plus. La loi prévoit que ces initiatives – parrainées par la Présidence du Conseil et réalisées avec des fonds de l’État – “doivent être réalisées en priorité” dans certaines communes spécifiques, parmi lesquelles figure également celle de “Ferrare” (art. 2 , paragraphe 1, allumé. Et).

Pourtant, du procès-verbal de la Commission compétente (publié le 12 mars sur le site Internet de la Présidence du Conseil), j’apprends que l’Administration de Ferrare ne fait pas partie de celles qui ont présenté un projet lié aux célébrations du centenaire de Matteotti. . Qui a décidé cela ? Quelle a été la raison de ce choix ? Ce serait bien de le savoir. Il faudrait le dire.

Ces dernières semaines comme celles à venir, des initiatives dédiées à l’action politique, à l’activité parlementaire et au travail juridique de Giacomo Matteotti ont eu lieu et auront lieu dans la ville. Il est méritoire que des instituts, des centres universitaires, des organismes publics et des associations privées l’aient promu. Ils serviront à comprendre la figure, c’est-à-dire – littéralement – un emmène-la avec lui, en profitant. Je me demande soi Et comme, comment l’Administration de Ferrare entend également se souvenir de Giacomo Matteotti le 10 juin, cent ans après sa mort. Ce serait bien de le savoir. Il faudrait le dire.

  1. En politique, il y a des choses qu’il ne faut pas faire. S’ils sont effectués, ils doivent être cachés. Et si quelqu’un les révèle, ils doivent être niés ou ignorés. Telle était la dynamique du crime Matteotti. Cela risque de se répéter cent ans plus tard : pris en tenaille entre les résultats des élections locales et européennes (8-9 juin) et le premier anniversaire de la mort de Silvio Berlusconi (12 juin), sa mémoire sera mise sur le dos. brûleur. Dans le silence de l’espace public, c’est un tout autre film qui sera diffusé.

Je ne veux pas y croire, mais c’est une issue possible, à Ferrare même probable. Au lieu de cultiver la mémoire, le vide mémoriel serait ainsi une invitation à l’oubli. Une commémoration à l’envers. Vraiment, entre la mémoire et l’oubli, l’Administration de Ferrare a-t-elle choisi la deuxième option ? Ce serait bien de le savoir. Il serait juste de le dire en expliquant les raisons.

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