Majerus, la victoire manquée et la fureur de Kopecky

Deux ans d’attente. Bien sûr, si vous regardez le palmarès de Christine Majérus chaque saison, sa victoire au championnat national luxembourgeois apparaît, mais elle en connaît elle-même la valeur relative. Il en a remporté 31 entre courses sur route et contre-la-montre, mais ce n’est pas la même chose. Ce n’est pas la même course que n’importe quelle autre course, avec des coéquipiers et des adversaires du monde entier, dans n’importe quelle catégorie. Il attendait le résultat complet depuis le 11 mars 2022 et quand on a 37 ans on sait que chaque opportunité comptele temps vous échappe comme du sable entre vos doigts.

Le Luxembourgeois est champion national sur route depuis 2010 et champion du contre-la-montre depuis 2007.
Le Luxembourgeois est champion national sur route depuis 2010 et champion du contre-la-montre depuis 2007.

Christine, c’est ton jour…

Dernière étape du Tour de Grande-Bretagne. Sd Worx fait comme à son habitude en menant le classement général avec la championne du monde Lotte Kopeckycelui de l’équipe, celui des points, si l’on y ajoute les victoires d’étapes, c’est le butin auquel nous sommes désormais habitués dans le cyclisme. Le matin, rendez-vous avant la course, nous évaluons ce qu’il faut faire. Défendre l’avance n’est pas en cause, mais nous pensons qu’il serait bien de faire quelque chose de différent de d’habitude..

Lors de l’étape de près de 100 kilomètres avec départ et arrivée à Manchester, l’équipe parvient à un accord : ils courent pour Christine. C’est la juste récompense de son engagement. Cette fois, Kopecky e Wiebe ils seront ses lieutenants, ils la piloteront jusqu’à la ligne d’arrivée, mais ce sera ensuite à elle de donner l’impulsion finale. La Luxembourgeoise est folle de joie, pendant la course on peut voir son sourire, elle sait que quelque chose qu’elle attendait depuis longtemps est sur le point d’arriver. C’est toujours un événement WorldTour, y apposer sa signature à son âge n’est pas une chose quotidienne.

Maintes fois grégaire, pour Majerus le Britannique c’était le jour pour prendre sa satisfaction
Maintes fois grégaire, pour Majerus le Britannique c’était le jour pour prendre sa satisfaction

Paternoster hors de question

Nous arrivons aux phases finales et nous ne sommes même pas nombreux à faire le sprint, le groupe s’est effondré. Il n’y a même pas cette épine dans le pied de Paternoster, retardée par une crevaison qui lui coûtera le podium au classement général. Mais ils sont là, en force et ils lancent le sprint comme ceux qui se savent les maîtres. Seulement cette fois, les rôles sont inversés.

Christine se lance, confiante, anticipant tout. Kopecky et Wiebes sont là, presque écuyers de son succès, à quelques centimètres seulement. Levez le bras. Il le soulève trop tôt, Ruby est à ses côtés de manière inattendue. Roseman Gannon, le champion national australien. Il ne l’avait même pas vue.

Sprint malheureux de Majerus avec l’Australien qui la dépasse sur sa gauche
Sprint malheureux de Majerus avec l’Australien qui la dépasse sur sa gauche

David contre Goliath

Oui, car l’absence forcée de Paternoster avait chamboulé les plans de Liv Jayco Alula, l’Australienne ne sachant plus que son partenaire n’était pas là, donc plus de train à mettre en place, mais elle s’est quand même lancée, avec courage, presque un David contre le Goliath identifié dans toute l’équipe néerlandaise. Peut-être qu’ils n’avaient même pas réalisé qu’elle se précipitait également vers la ligne d’arrivée.

C’est une question de centimètres. Un battement d’ailes. Un cœur qui se serre. La réponse est impitoyable : l’Australien a gagné et chez Sd Worx les haillons volent. Kopecky est une rivière en crue devant les premiers cahiers : «Nous avons choisi de nous concentrer sur Christine dans le sprint et nous l’avons fait parfaitement jusqu’au bout. Quand j’ai vu Christine partir, j’étais sûr qu’on gagnerait, au lieu de cela, c’était une erreur stupide. Cela aurait pu être une bonne fin pour Christine, mais nous avons bien fini en équipe” puis nous sommes partis vers le bus de l’équipe. Les gérants la calment en lui disant de jeter de l’eau sur le feu.

Christine avec ses compagnons SD Worx. A Manchester, tout s’est bien passé jusqu’au sprint…
Christine avec ses compagnons SD Worx. A Manchester, tout s’est bien passé jusqu’au sprint…

Mot de passe : adoucir les tons…

Les attachés de presse font leur travail qui est aussi d’adoucir ce qui se passe. Les déclarations suivantes sont beaucoup plus douces, diffusées via les réseaux sociaux (et naturellement acceptées) : «Cela peut paraître idiot, mais vous ne pourrez comprendre notre décision que si vous savez à quel point nous nous respectons mutuellement.. Nous avons décidé de laisser Christine sprinter pour la victoire. Même si cela ne s’était pas passé comme prévu, nous aurions quand même fait le même choix.”

Christine est par terre. Au cours de toutes les années de sa carrière, quelque chose de pareil ne lui était jamais arrivé, et elle ressentit soudain sa propre déception combinée à celle de ses coéquipières et capitaines. Tête baissée, avec des épaules qui semblent supporter un poids énorme. Les journalistes sont impitoyables, la nouvelle c’est sa défaite, ou plutôt comment elle est arrivée. Elle parvient à prononcer quelques mots, d’une manière feutrée : « C’est de ma faute si j’ai fêté trop tôt, mais félicitations à Ruby d’avoir cru en ses possibilités jusqu’à la ligne d’arrivée. Je remercie mes coéquipiers de m’avoir donné cette chance et je suis désolé d’avoir tout gâché».

La photo-finish à Amstel a puni Wiebes, qui a également célébré trop tôt
La photo-finish à Amstel a puni Wiebes, qui a également célébré trop tôt

Qui est sans péché…

Connaissant son engagement, son abnégation, le respect de sa carrière (il est dans le circuit supérieur depuis 2008) il méritait un épilogue différent. Aussi parce que quelqu’un dans le passé a dit “Que celui qui est sans péché jette la première pierre” et qu’il n’est pas nécessaire de remonter trop loin dans le temps : Amstel Gold Race, Wiebes lève la main du guidon et Le vôtre la moquerie. Peut-être qu’avant de juger, nous devrions y réfléchir à deux fois et, en revenant de Manchester, beaucoup se demandaient : mais lui donneront-ils une autre chance ?

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