Cent ans de Kafka, le gardien des fantômes

Franz Kafka est décédé il y a un siècle. Une façon de le célébrer pourrait être de redécouvrir un véritable trésor heureusement disponible en ligne. L’écoute est rendue possible par la récupération minutieuse de l’audio conservé dans ce qu’on appelle un « big pan », un disque plus grand qu’un disque 33 tours, constitué de pâte de verre étalée sur une plaque métallique. Un support particulièrement fragile. Son contenu a été reproposé le 29 janvier 2015 pour « Il Teatro di Radio 3 » édité par Antonio Audino et, dans ce contexte, présenté comme « le seul texte écrit par Kafka pour la scène ». (Le texte dans une version plus longue se trouve dans les éditions des contes du génie pragois). «L’acte unique» a été diffusé dans le Troisième Programme le 21 juin 1951, réalisé par Guglielmo Morandi. Titre : « Le Gardien du Tombeau ». Le protagoniste est Ubaldo Lay, soutenu par des membres de la Compagnie de Prose de la RAI Rome. Une confrontation dramaturgique tendue et sombre.

Un Prince entend modifier la structure de surveillance du tombeau familial qui se trouve dans un grand parc et abrite depuis plus de quatre cents ans les restes de ses illustres ancêtres. Le Conseiller du Prince n’est pas du tout d’accord : « Naturellement, tout ce que Son Altesse ordonne sera exécuté. Même si vous ne comprenez pas la raison de la commande.” Aujourd’hui, le Gardien du Parc est aussi le Gardien du tombeau : “une sinécure pitoyable”, un “acte de profond respect pour les grands morts”. Si au contraire on choisissait de recruter un surveillant affecté uniquement à la crypte, cela pourrait avoir « un sens policier ». Ce serait une véritable surveillance de choses irréelles, éloignées des sens humains. » Le Prince veut précisément contrôler cette fugace « frontière entre l’humain et le reste ». Il décide d’entendre l’opinion de l’actuel Gardien, un vieil homme affaibli et peut-être disparu. Il le fait appeler.

Le Gardien arrive. Perdu et fatigué. Il s’agit, explique-t-il, d’un “service lourd”. Il sait qu’il accomplit “la tâche judiciaire la plus importante”. Depuis plus de trente ans, il soutient « les luttes avec les âmes saintes des ancêtres ». Son travail de gardien de jour du parc fut transformé en « service de nuit » par les « seigneurs des tombeaux ». Ses nuits « des dernières années », dit-il. Et ils sont tous pareils. A minuit, ponctuellement, les messieurs morts arrivent. On frappe à la porte de sa maison. “Ce ne sont pas des jointures humaines”, précise-t-il, “mais je suis pratique et je ne bouge pas.” Les morts persistent. Alors le plus grand d’entre eux, le duc Federico, fait irruption et « avec son visage, sa barbe, ses cheveux, il occupe toute ma pauvre fenêtre. Comme il a grandi au fil des siècles !» Pendant que le Gardien parle, nous comprenons, avec une horreur croissante, que sa véritable tâche n’est pas d’empêcher les étrangers d’entrer dans la crypte et le parc, mais d’empêcher les morts d’en sortir. Ils veulent sortir.

Le Guardian ne sait pas pourquoi. Il n’a jamais demandé « par crainte ». Il les chasse en agitant la lanterne. Et ils semblent se disperser « avec des rires et des gémissements ». Mais ils reviennent, ils lui ordonnent d’ouvrir la porte. Et au déni : « Alors avancez toute la dynastie contre la porte ! Nous allons nous ouvrir !” Le Gardien se bat physiquement avec le Duc. Affrontement à mains nues, “on se bat uniquement avec nos poings ou, pour être plus précis, avec la force de notre souffle”. Le Guardian ne doute jamais de la victoire. «Seulement, parfois, j’ai peur que le duc me perde entre ses doigts et ne sache plus pourquoi il se bat». À l’aube, le Gardien gagne. Le duc le jette alors à terre et lui crache dessus. C’est sa façon de reconnaître sa défaite. La narration du Guardian s’arrête. Et bref, lui, « misérable » et « épuisé », s’effondre. Il reste inconscient. Ils l’emmènent. La Princesse le voit passer. Comme dans un rêve, elle dit : « Je reste dans ma chambre. Mais je sais que tout devient plus trouble. Plus nuageux. Cette fois, l’automne est triste au-delà de toutes limites.”

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