«Je suis l’expert de la neige et j’étudie les flocons de neige, voici ce qu’ils me disent»

«Le charme de la neige réside dans le fait qu’elle est toujours différente. Pour le comprendre, il y a la science, et puis il y a la nécessité de marcher dessus.” Michele Freppaz le ditprofesseur titulaire à l’Université de Turin, qui exerce en tant que professionnel nivologue, ou étudie la neige. La blancheur d’un paysage enneigé, les flocons qui tombent et tout semble ralentir, sont des images qui suscitent de grandes émotions.

Devant la neige, nous nous sentons tous à nouveau comme des enfants. Pourtant, au-delà de l’aspect émotionnel, la neige peut nous révéler bien des choses, elle peut nous raconter le passé et peut aussi nous donner de précieuses indications sur notre avenir. «La neige est bien plus qu’un paysage blanchi», écrit Freppaz, «c’est quelque chose de vulnérable et de très puissant, c’est la liberté, la mémoire, la paix, le danger». Michele Freppaz, originaire de la vallée de Gressoney, est confrontée à la neige depuis son plus jeune âge. Sa grand-mère élevait des vaches et apportait chaque jour le lait à la fromagerie où l’on fabriquait du fromage, son grand-père aidait sa femme l’été dans les alpages. En juin, à la fin de l’école, Michele est également allée aux alpages et y a passé une partie de l’été dans une cabane en pierre, sans eau ni électricité. Qui sait si pendant ces étés à haute altitude, observant les longues langues de glace qui recouvraient les sommets, il aurait pensé que cela deviendrait sa vie et son sujet d’étude.

Mais pourquoi est-il important d’étudier la neige ? D’abord, pourquoi peut nous fournir des informations précieuses sur le changement climatique. Sa présence ou son absence, le fait qu’il pleuve au lieu de neiger, la durée de son séjour au sol sont des indicateurs importants. La neige intègre deux facteurs fondamentaux pour l’environnement : la température de l’air et la quantité de précipitations. Mais pas seulement, la neige est aussi un capteur environnemental car en tombant et en restant au sol il absorbe les polluants et autres éléments présents dans l’air. Grâce à cette caractéristique, étudier la neige, c’est aussi faire un saut dans le passé. Les glaciers, couche après couche, préservent les chutes de neige qui se sont transformées en glace il y a même des milliers d’années. Ce sont des machines à voyager dans le temps et, en analysant la glace trouvée en profondeur, il est possible d’étudier quelles étaient les conditions environnementales et climatiques au moment où ce flocon de neige est tombé, peut-être au XVIIIe siècle.

La neige est un sujet complexe à étudier, est changeant et garde mille secrets. Pour les comprendre, la théorie et les études théoriques ne suffisent pas, il faut geler son pantalon pour l’observer de près, il faut marcher dessus, le toucher. Le spécialiste des neiges est aussi un alpiniste. L’analyse théorique s’accompagne inévitablement de un certain degré d’aventure et un esprit d’exploration. Freppaz, en plus de marcher sur les crêtes, s’est également descendu à plusieurs reprises dans les crevasses pour observer le glacier de l’intérieur. Une expérience difficile à oublier.

«A vingt ou trente mètres de profondeur on peut admirer la complexité et la grandeur des glaciers. Vous observez les formes et les couleurs et pouvez écouter les bruits que fait la glace. C’est un environnement unique.” Le glacier n’est pas statique, il est vivant, il bouge, entraînant avec lui pierres et rochers. «Le glacier est comme un organisme qui se nourrit de la neige qui tombe à haute altitude puis se déplace, générant des crevasses et des sons. Le glacier est un organisme qui souffre en ce moment.” Chaque année, la quantité de glace qui se forme est inférieure à celle qui fond chaque été et la conséquence est le retrait des glaciers. On a calculé que depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui, la superficie des glaciers en Italie a diminué de quarante pour cent.

Aujourd’hui il neige beaucoup moins à basse altitude, les souvenirs de l’époque où à Turin, pour la joie des plus petits, les écoles étaient fermées à cause de la neige ont disparu depuis longtemps. Les personnes âgées se souviennent même des murs de neige sur les côtés des rues de la ville, mais la dernière grosse chute de neige à Turin remonte à 1985. Aujourd’hui, les précipitations sont rares en dessous de 1 500 mètres d’altitude mais avec le réchauffement climatique, le risque est que cette altitude augmente et il commence à neiger moins même à haute altitude. Mais ce que l’on observe déjà sur les sommets, c’est une anticipation de la fonte printanière.

Nous avons dit que la neige pouvait nous apprendre beaucoup de choses sur notre passé mais cela peut aussi être un avertissement pour l’avenir, c’est pourquoi il est important de l’étudier. L’Université de Turin a inauguré un nouveau cursus en Sciences et Technologies de la Montagne, hébergé sur le campus universitaire de Grugliasco. L’objectif est de former des professionnels capables de gouverner ces nouveaux scénarios, d’accompagner les décideurs politiques dans la gestion des environnements fragiles et actuellement soumis à des tensions. Moins de neige signifie moins de réserves d’eau, les montagnes fournissent 70 pour cent de l’eau douce et moins de biodiversité. Les glaciers, comme les organismes vivants, ils nous disent qu’il y a un problème. C’est à nous de décider si nous voulons les écouter.

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