Satnam Singh : Mort d’un garçon, agonie d’un système

par Gabriele Norcia

24 JUINCher Directeur,
comme il sera facile de l’imaginer, depuis quelques jours, alors que des nouvelles de plus en plus horrifiantes continuent d’arriver sur la fin tragique du jeune ouvrier Satnam Singh, venu en Italie en rêvant de la vie et laissé seul pour affronter la mort par les tortionnaires qui Nous l’avons exploité, nous tous, travailleurs de l’INAIL, du plus haut dirigeant jusqu’au dernier nouvel embauché, nous luttons pour trouver la paix. La frustration, la douleur, l’indignation et un sentiment d’impuissance totale sont des états d’esprit largement partagés parmi nous en ces heures.

Parce que, voyez-vous, Monsieur le Directeur, défendre la santé et la sécurité des personnes qui travaillent est notre préoccupation quotidienne ; c’est notre utopie, pourrait-on dire, mais sans entendre ce mot dans son sens trivial de rêve irréalisable et lointain. C’est – au contraire – ce que nous avons choisi, ce qui nous définit pour qui nous sommes. Chaque fois qu’une personne perd la vie ou une partie de son intégrité à cause du travail qu’elle accomplit, en nous, qui collectons les fragments éclatés de ces âmes et de leurs familles pour tenter de les reconstituer avec un fil d’or, le soin et attention de la République pour ses citoyens, quelque chose s’éteint en nous.

Nous menons ce combat tous les jours, c’est notre tâche.

Mais celle de SS, Directeur, est une mort au travail encore pire que toutes les autres, quoique toutes atroces, toutes inacceptables.

C’est un fait qui révèle la gangrène généralisée et incurable qui infecte le système.

Si un employeur, propriétaire d’une entreprise florissante opérant ouvertement à quelques kilomètres de la capitale du pays, non seulement était en mesure de recruter sans être dérangé (sous enquête pour ces crimes depuis des années, sans jamais s’arrêter) de recruter illégalement, de les obliger à subir un travail inhumain dans des conditions bestiales, en leur assignant à des tâches dangereuses, mais même abandonner un de ses employés à une mort certaine après une blessure atroce, pensant évidemment ainsi “sauver son entreprise”, comme il l’a lui-même déclaré, signifie que rien, rien, du système de surveillance, de contrôle, répression, éducation, cela a fonctionné jusqu’à présent.

Cela signifie pratiquement que ce système n’existe pas.

Et cela signifie qu’il n’existe même pas une stigmatisation sociale suffisamment forte et répandue pour que les criminels qui opèrent de cette manière se sentent comme des étrangers impurs, étrangers au contexte civil.

Cela signifie au contraire que, somme toute, un nombre, un trop grand nombre d’entre eux sont autorisés à jouir impunément des privilèges accumulés avec cette arrogance obscène des esclavagistes.

Ce qui ne nous laisse vraiment pas dormir, Monsieur le Directeur, c’est la pensée que notre travail, tout le cadre complexe qui est destiné à servir à défendre, protéger, prévenir… les lois, les instituts, les administrations… les paroles de le dédain, la rhétorique des discours commémoratifs, des couronnes, des monuments aux morts, des chiffres, des logos, des programmes… ne sont qu’un grand château de cartes baroque, spectaculaire, mais inutile, destiné à dissimuler une vérité effrayante et indicible.

Beaucoup, trop nombreux, sont tentés par le fait que le flux d’argent, imprégné du sang des travailleurs pauvres, continue de couler dans la bonne direction. Beaucoup, trop nombreux, n’ont pas l’intention d’y renoncer.

Pour ceux qui sont nombreux, pour ceux qui sont trop nombreux, il est commode qu’il y ait quelqu’un pour faire du bruit, pour descendre dans les rues avec des drapeaux et des sifflets, pour garder telle clinique ou telle assemblée, bref pour se battre, sans toutefois jamais avoir – vraiment – les moyens et ressources pour gagner.

Pour mettre fin à ce massacre ignoble, Directeur, il n’existe pas de recette simple. Cependant, une chose est sûre : l’INAIL est un soutien indispensable si vous voulez réellement mener cette bataille. La santé et la sécurité des travailleurs ne peuvent rester des slogans de scène ou des procédés rhétoriques destinés à susciter des applaudissements le 1er mai. Bien plus simplement, ils sont déterminants pour la civilisation dans un pays libre.

Quand et si nous décidons d’en tenir enfin compte, Monsieur le Directeur, il faudra repartir de la base et les bases s’appellent l’INAIL.

Ce jour-là, comme chaque jour, le pays nous retrouvera à notre place.

Dr Gabriele Norcia
Secrétaire National de l’INAIL Médecins

24 juin 2024
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