Guerre civile : critique du film d’Alex Garland

Revue de la guerre civile
Kirsten Dunst, Cailee Spaeny Avec l’aimable autorisation de A24, Leone Film Group et Rai Cinema CW_021

Il y a huit ans, je Marvel Studios adapter l’une des histoires de bandes dessinées les plus célèbres et les plus appréciées de tous les temps pour le grand écran, Guerre civile. Le film s’avère être un grand succès auprès du public, un blockbuster divertissant mais une adaptation médiocre de l’histoire originale. Un peu plus tard Alex Guirlande émet l’hypothèse d’une nouvelle guerre civile, cette fois dans la dystonie d’un monde plausible, dans lequel les États-Unis d’Amérique sont en guerre contre eux-mêmes, et il n’y a pas de super-héros prêt à prendre parti pour un camp ou pour l’autredes héros plutôt improbables mais réels, comme des photographes et des journalistes, qui plutôt que de prendre parti, veulent parler du conflit, montrant ainsi sa stupidité fondamentale.

Guerre civile, l’intrigue

Dans un avenir prévisible, les États-Unis ont tourné leur colère et leur agressivité contre eux-mêmes. Dans le Terre de Liberté la guerre civile fait rage. Alors que les banlieues brûlent et que des balles de feu traversent le ciel, une faction rebelle dissidente connue sous le nom de Front occidental se rapproche de plus en plus de Washington DC dans le but de tuer le président qui, dans sa dernière tentative de tromper ses partisans et de narguer ses adversaires, il prononce un discours emphatique à la nation, son dernier, avec une formule qui rappelle beaucoup l’emphase trumpienne. Une référence directe au monde réel, certes, mais peut-être aussi la seule présente dans Guerre civileécrit et réalisé par l’anglais Alex Guirlandequi, plus qu’un commentaire explicite sur les États-Unis d’aujourd’hui, est une réflexion sur le conflit lui-même et sur son manque de sens.

Casting de la guerre civileCasting de la guerre civile
Stephen McKinley Henderson, Wagner Moura, Cailee Spaeny, Kirsten Dunst Avec l’aimable autorisation de A24, Leone Film Group et Rai Cinema CW_660

En particulier, Garland adopte le point de vue des reporters de guerre, ceux qui « en ont vu suffisamment dans le monde entier » pour avoir appris que le champ de bataille est un terrain d’entente ; qui ne couronne pas les vainqueurs ni ne renverse les vaincus ; que les mêmes atrocités se produisent partout où il y a des armes et des gens prêts à les pointer les uns sur les autres. Lee Smith (Kirsten Dunst), photographe de première ligne, l’a très bien appris dans son travail en première ligne, à tel point que la dernière chose qu’elle voit lorsqu’elle ferme les yeux pour dormir, ce sont les horreurs dont son objectif a été témoin au fil des années. Elle connaît si bien la leçon que son âme est désormais atrophiée face à la mort, condition pourtant indispensable pour pouvoir exercer ce métier, vivant dans une zone grise de la morale dans laquelle les questions éthiques ne peuvent être soutenues, comme elle expliquera elle-même à la débutante Jessie (Cailee Spaeny), qui avec elle entreprend un voyage très dangereux derrière les lignes ennemies jusqu’à Washington pour photographier et interviewer le président.

Quatre visages d’un même métier

La force de Civil Wars, c’est avant tout de construire une image de correspondants de guerre qui offre autant d’aspects et de caractéristiques que les protagonistes de l’histoire. Nous avons parlé de Lee, une professionnelle insensible et froide, toute douceur de sa personnalité a longtemps été abandonnée pour laisser place à une indifférence qui lui garantit la résistance aux horreurs dont elle est témoin ; Joël (Wagner Moura) représente plutôt la recherche de sensations fortes, son approche est plus enthousiaste ; Sammy (Stephen McKinley Henderson) bien que vieux et déformé, il ne supporte pas l’idée de prendre sa retraite, il a toujours faim d’action et d’actualité, le journaliste insatiable qui fera tout pour un scoop ; enfin Jessie, débutante mais passionnée, horrifiée et terrifiée mais absolument consciente de là où elle veut être et de ce qu’elle veut faire. A travers ce portrait à quatre faces, Alex Guirlande parle de la figure du journaliste comme d’une personne déformée par la ligne de front, qui, aussi atroce soit-elle, a du mal à se sentir à l’aise ailleurs. Plus que d’autres films et documentaires de reporters de guerre, le film évoque davantage les atmosphères et les psychologies des The Hurt Locker De Catherine Bigelow.

Kirsten Dunst, film sur la guerre civileKirsten Dunst, film sur la guerre civileEt ce portrait psychologique est esquissé avec conscience par Guirlande qui s’affirme comme l’un des réalisateur le plus intéressant et le plus capable de ces années. Son style est féroce et il utilise un montage habile, il raconte les scènes de combat excitées presque avec plaisir, gérant, grâce à un casting en état de grâce, pour capturer la triste satisfaction que l’on éprouve à immortaliser un cliché qui restitue la vérité de l’instant au milieu du carnage. Il utilise les silences denses et les attentes suspendues avec une grande élégance, parvenant à créer en quelques instants une grande tension en utilisant ses naturelles, comme le gazouillis des oiseaux, juste avant le déclenchement d’une violence aveugle. Un exemple de cette capacité est la courte séquence mettant en vedette un Jesse Plemons superlatif.

Nous ne sommes pas de la région de Les enfants des hommes De Alfonso Cuarónoù le contexte politique est décidément plus solide, mais Guerre civile reproduit son attrait visuel, offrant, paradoxalement, une cinématographie puissante au service d’une histoire d’horreur, et capture de manière effrayante le terrible pouvoir de la guerre qui se nourrit d’elle-même, se privant presque toujours de sa motivation initiale et se vidant de toute idéologie et de tout sens.

Tags:

NEXT “Je suis devenu une parodie de moi-même”