La fuite des opportunités | Mangialibri depuis 2005, jamais de régime

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Lors d’une vente aux enchères, vous pouvez rencontrer de nombreuses personnes : des collectionneurs, des brocanteurs, de simples curieux et des personnes qui ont tout perdu dans ces enchères. Et c’est lors d’une de celles-ci – plus précisément dans la chambre 7 des Hôtels des Ventes de la rue Drouot – qu’il remarque Renant pour la première fois. Assis à côté de lui, il apparaissait comme un gentleman distingué, souffrant de pellicules et de mauvaises odeurs, qui lisait nonchalamment un journal. A cette occasion, il s’était animé uniquement pour gagner une montre art déco, pour la modique somme de onze mille francs. Une montre qui n’est pas particulièrement raffinée, bien au contraire. Il s’en souvient encore précisément pour sa laideur : un cadran ovale, laqué blanc, avec des chiffres et un cadre en laiton. Les aiguilles s’arrêtaient à 12 heures, signe de son non-fonctionnement, ainsi que la date affichée, inexorablement bloquée au 18 mars 1948. Pour couronner les traits de goût douteux de l’objet, une ballerine en bronze contrastant sur le vert albâtre. du corps de la montre. Une réalisation qui avait animé Renant, lui donnant l’air de quelqu’un qui vient de conclure l’affaire de sa vie. Une joie presque primordiale qui a fait rester cet étrange individu dans son esprit et lui a donc permis de le reconnaître lorsque, quelques mois plus tard, il l’a croisé pour acheter la même montre. Cette fois-ci, pas aux enchères, mais chez un brocanteur. Au Marché aux Pruces, pour le même montant : onze mille francs, pour une montre qui semble être – encore une fois – « une parfaite opportunité : reprendre une partie du passé qu’elle avait perdu, on ne sait comment et pourquoi »…

« Je connais ces gars-là, ceux qui partent à la recherche du passé. […] Amoureux du passé, ils aimeraient revenir à ces moments heureux. Trompé. Ils ne savent pas que rien n’est reproductible, rien ne revient. Nous perdons tout, et reprendre possession de quelque chose que nous avons aimé ne nous rend pas le temps que nous avons aimé. » Trente ans après sa première publication (qui a eu lieu en 1994 pour Longanesi) et après la réédition de 2004 pour Fazi, il revient à la série Fondanti de TerraRossa Edizioni Le vol de l’opportunitépremier tome d’une trilogie inachevée consacrée au surnaturel (le projet stagne avec la publication du deuxième tome, consacré aux loups-garous, Chasseurs la nuit). Les protagonistes du roman – nés “comme un pari, une vengeance de ce que je considérais comme un tort” – sont Renant, Blanche – femme fatale – et Altay, qui constituent un triangle amoureux dans lequel le protagoniste tente désespérément d’entrer. Ce n’est pas un hasard si la voix narrative de ce roman, que l’on peut à juste titre qualifier de noir, reste anonyme : une manière de permettre une identification encore plus complète, laissant également au lecteur l’illusion de pouvoir saisir rapidement qu’une opportunité qui est maintenant perdu et appartient au passé. Le temps qui passe inexorablement est la clé du récit, dans une spirale constante qui semble toujours se répéter de la même manière mais qui n’est jamais la même, même pour les fantômes. Paris est le décor idéal de cette histoire voilée de nostalgie qui, comme dans un jeu de boîtes chinoises, sait toujours révéler autre chose que ce qu’il paraît. « On ne se connaît jamais assez. Jamais assez profond. Au plus profond de l’âme. Nous ne sommes jamais sincères. Même avec nous-mêmes. »

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