Mission et dialogue, le nouveau livre du cardinal Jean-Marc Aveline

Le volume de l’Archevêque de Marseille, intitulé “Le dialogue du salut. Petite théologie de la mission” a été publié par la Libreria Editrice Vaticana

de Charles de Pechpeyrou

Un dialogue avec toutes les religions et toutes les cultures sur le modèle de ce que Dieu a tissé avec l’humanité à travers l’histoire de l’Alliance : tel est l’appel que le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, adresse aux fidèles dans son livre intitulé Le dialogue du salut. Petite théologie de la mission (Libreria Editrice Vaticana, 2024, 128 pages, 14 euros) appelant également à approfondir le sens de la catholicité de l’Église. Le cardinal était présent le 2 mai à Rome à la présentation du volume au siège de la Communauté de Sant’Egidio, à laquelle assistaient Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, Lorenzo Fazzini, directeur éditorial de Lev, et Sœur Lucia Bortolomasi, supérieure générale des Sœurs Missionnaires de la Consolata.

Votre Éminence, pourriez-vous expliquer en quelques mots le lien entre dialogue et mission que vous développez dans votre livre ?

L’ouvrage se présente comme une petite théologie de la mission. J’ai rassemblé un certain nombre de choses que j’ai mieux comprises sur la mission à partir de mon ministère, axé notamment sur les questions liées au dialogue interreligieux. J’ai surtout compris qu’on ne peut pas opposer dialogue et mission : le dialogue fait précisément partie de la mission évangélisatrice de l’Église. Dans l’encyclique Ecclésiam suam, dont le 60e anniversaire sera célébré le 6 août prochain, Paul VI déclare que nous confessons que Dieu, pour se révéler, a fait le choix d’entrer en dialogue avec l’humanité, dialogue que la Bible raconte sous la forme d’une histoire d’alliance. . C’est parce que nous l’avouons, ce qui n’est pas du tout évident, que nous comprenons que la mission de l’Église consiste aussi à dialoguer avec l’humanité en s’adaptant à l’attitude de Dieu.

Vous êtes très engagé dans le dialogue avec l’Islam et le Judaïsme. Est-il possible de combiner mission et dialogue interreligieux ?

La mission de l’Église commence par la création de ce climat de dialogue. Toujours Ecclésiam suam, Paul VI affirme que « le climat du dialogue est l’amitié. Ou plutôt le service.” C’est ce qu’ont compris Charles de Foucauld, Pierre Claverie et bien d’autres : la nécessité d’un climat qui nous rassemble autour des mêmes questions existentielles fondamentales. Et c’est alors que l’annonce de l’Évangile peut se faire mais pas comme un simple slogan qui ne prend pas en compte les questions existentielles de l’autre. Si l’on considère la mission sans prendre en compte l’existence concrète de l’autre, les questions concrètes qu’il se pose, on risque d’en faire un simple mot, mais pas une réalité.

Comment éviter toute confusion entre expansion missionnaire et impérialisme culturel ?

Ce n’est pas facile, car tout au long de l’histoire, les missionnaires ont souvent accompagné ceux qui s’apprêtaient à coloniser un pays particulier ou qui voyageaient pour des raisons commerciales. Mais cela n’empêchait pas les missionnaires d’avoir leurs propres idées, parfois même de ne pas correspondre à ce qu’on pouvait attendre d’eux en termes d’intérêts commerciaux ou politiques. Le mot qui permet d’éviter cette confusion est donc liberté. L’Église doit préserver sa liberté, elle doit résister à la tentation de se fondre simplement dans les intérêts économiques et sociaux colonisateurs. Mais quand on regarde l’histoire, même celle de la missiologie, on se rend compte que nous devons beaucoup aux missionnaires, surtout au XIXe siècle, dans la connaissance ethnologique, anthropologique des cultures dans lesquelles ils se sont retrouvés. Et parce qu’ils représentèrent souvent pour les pays de mission le début d’une autonomie et d’une indépendance toujours plus grande à l’égard des intérêts des nations d’où étaient partis ces missionnaires.

Vous affirmez que «c’est souvent parce que notre théologie n’est pas assez trinitaire que notre action missionnaire manque de dimension dialogique». Comment résoudre ce problème?

Il y a beaucoup à faire sur ce point parce que le christianisme occidental a moins développé la théologie du Saint-Esprit que le christianisme oriental ; chez nous c’est plutôt la notion de grâce qui a prévalu. Il faut développer une théologie du Saint-Esprit capable d’éviter deux écueils trop fréquents : celui d’une pneumatologie « déchristologisée », qui oublie que l’Esprit présent et agissant dans le monde est l’Esprit du Fils, et celui d’une pneumatologie «déhistoricisée» qui néglige le caractère concret de l’Incarnation au profit d’une gnose ésotérique qui fait du Fils un «avatar» de l’Esprit.

Rappelez-vous aussi que l’Esprit Saint souffle où il veut, et pas seulement au sein de l’institution ecclésiale.

Je citerai ici Jean-Paul II qui, dans son encyclique Missi Redemptorisou du 7 décembre 1990, affirme que «la présence et l’activité de l’Esprit n’affectent pas seulement les individus mais la société et l’histoire, les peuples, les cultures, les religions». Des propos que le Pape a confirmé par des gestes comme la rencontre à Assise en 1984 ou la visite à la synagogue de Rome en 1986. Lorsqu’il baissait la terre à son arrivée dans les pays visités, cela signifiait que l’Esprit Saint avait déjà habité ces terres. avant même que les missionnaires n’y arrivent. Dans la pensée de Jean-Paul II, cet apprentissage de la coopération avec l’Esprit Saint est fondamental, car celui-ci est présent partout. Il n’y a rien d’humain qui ne soit étranger à la présence et à l’action de l’Esprit.

Dans le livre, il aborde également le thème de la catholicité de l’Église. Est-ce un concept à repenser ?

Dans le passé, on avait trop tendance à faire du mot catholicité une simple étiquette qui nous distinguait des protestants, des orthodoxes, etc., alors qu’il est l’une des quatre notes de Je crois pour définir l’Église et, comme les autres, elle a une dimension eschatologique. Nous sommes donc appelés à penser la catholicité de manière dynamique et non statique : une catholicité in fieri, en cours, dirais-je. Dans le livre, je fais également l’hypothèse qu’en vivant sa vocation de catholicité, l’Église, déjà sacrement d’unité et ferment de fraternité, participe à l’œuvre de récapitulation, recevant en elle le mystère pascal, à travers lequel Dieu a voulu , par la mort de son Fils, rassemble tous ses enfants dispersés.

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