Étiquette historique et philosophique sur les choses de la table : concernant le toast… – par Ilaria Gaspari

Le 15 novembre 1879avant que le ciel de Chicago ne s’éclaircisse à l’aube, Mark Twain écrit une lettre vibrante à son épouse Olivia : «Livy chérie, je pense que c’est la nuit la plus mémorable de ma vie» commence-t-il, sans hésiter pour qu’elle puisse en prendre ombrage. La raison d’une telle euphorie est le toast avec lequel l’écrivain a participé aux célébrations en l’honneur de Subvention générale.

Il faut supposer que les personnes présentes étaient déjà ivres lorsque Twain parla : on lui avait assigné le quinzième et dernier toast de la soirée. Il l’a dédié aux bébés (aux bébés), plutôt que, comme demandé, aux dames (aux dames), dans une inspiration d’inclusion : «Nous n’avons pas toutes eu la chance d’être des femmes […] mais si nous portons un toast aux bébés, nous sommes sur un terrain d’entente.”

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Peut-être que le niveau d’alcool des auditeurs a contribué au triomphe social; Un rôle important, cependant, a été joué par la déformation de l’identité des destinataires. Le choix de porter un toast bébés a choqué le public: celui des toasts aux dames, au-delà des quatorze précédents, il a dû en entendre beaucoup.

Le toast standard est un toast aux damesun hommage galant. Et au fil du temps, il s’est également mêlé au mot anglais utilisé comme invitation à boire, griller.

Au début du XVIIIe siècle, Richard Steele reconstitue l’histoire de l’expression dans son journal, le Tatler. Selon sa version, il serait né de l’échange de plaisanteries entre deux messieurs en présence d’une célèbre beauté immergée dans un bain thermal (à Grand Dictionnaire de cuisine, Dumas suggère qu’elle était Anne Boleyn). Le premier homme plonge la coupe dans l’eau thermale et boit sa santé ; l’autre répond qu’il préfère l’eau à grillerfaisant référence à la beauté trempée, et la comparant implicitement à la tranche de pain grillé qu’on utilisait pour plonger, probablement depuis le Moyen Âge, dans la tasse d’une boisson alcoolisée, principalement du vin aromatique, avant de la faire circuler parmi les associés : au dernier invité, l’honneur de manger le pain.

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Cette tradition galante nous consterne aujourd’hui pour des raisons solides liées au changement de perception du sexisme et de l’hygiène.; mais dans l’histoire du grillage, elle est étroitement liée aux anciennes spirales anthropologiques. Depuis l’Antiquité, les calices sont élevés en signe de dévotion aux dieux ; les Romains, plus prosaïques, ramènent l’hommage sur terre en dédiant les libations à des personnages publics en chair et en os. Bref, la coutume existait bien avant d’avoir un nom, plein de significations apotropaïques comme il sied au Dionysien.

On ne trinque pas avec de l’eau, par exemple. Une superstition largement répandue, dont les racines invisibles nous laissent seuls face à l’énigme de la prescription des bonnes manières, veut que ceux qui le font soient candidats à la mort par noyade. L’étiquette conserve des traces de croyances magiques, qui s’éveillent en touchant des lunettes. Geste simple, envoûtement euphorique qui fait appel aux cinq sens dans le jingle ; petit rituel syncrétique, avec toutes les variantes de la formule de salutation dans laquelle les langues se nouent. Prost (du latin profit) disent-ils, les Allemands à qui nous devons notre toastsqui n’a rien à voir avec l’ancien nom de la ville du même nom, mais vient du germanique apportez le dirc’est-à-dire : je vous apporte (le verre).

LE NOUVEAU NUMÉRO DU MAGAZINE – L’intégrale est un livre-magazine de culture gastronomiqueédité par Iperborea et soutenu par la boulangerie de Davide Longoniqui vise à repenser la écriture culinaire le libérant du seul créneau des passionnés et oscillant entre les langues et les genres, du journalisme à la littérature. Chaque numéro est dédié à un thème et rassemble des essais, des récits, des rapports, des éclairages historiques et scientifiques pour explorer, sous prétexte de ce que nous mangeons et cuisinons, des histoires humaines et des faits contemporains pertinents.

Le nouveau numéro, intitulé Éclaboussure (édité par Diletta Sereni, avec des illustrations de Gianluca Cannizzo), dont la pièce de Ilaria Gaspari*plonge dans les nombreux et diverses connexions entre la nourriture, la mer et les autres eaux. Des eaux à traverser, à défendre, des eaux qui submergent puis laissent quelque chose resurgir. Des mers qui ont fait l’histoire agricole des terres qui les entourent, des mers peuplées de fantômes épiques et de mythomanie technique ; des mers de labeur, des mers de découvertes, des navires dont les approvisionnements devaient durer jusqu’à la fin du voyage, sans savoir quand le voyage se terminerait.

L’eau à retirer et à remplacer pour conserver les aliments, mais aussi comme exercice de mémoire; de l’eau au goût, transformée d’aliment primaire en produit de luxe ou de mode. L’eau bout dans une grande marmite pour absorber les saveurs qui y sont plongées, et il invente le premier restaurant tel que nous le connaissons. Une eau qui manque depuis des années, des décennies, des siècles, et le manque ouvre des fissures dans la terre aride pour donner naissance à quelque chose de nouveau.

Avec cotisations Davide Coppo, Gabriella Dal Lago, Lavinia Fagiuoli, Alessandro Marzo Magno, Valerio Millefoglie, Virginia Mendoza, Leonardo Piccione, Rachel Roddy, Gabriele Rosso, Nadia Terranova, Luca Trevisani. Et des chroniques de Teresa Bellemo, Christian Bucci, Fontanesi, Davide Longoni, Tommaso Melilli et Marco Rossari.

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Tout est vrai, parce que c'est faux : Ilaria Gaspari raconte l'histoire

Couvrir la réputation d'Ilaria Gaspari

L’AUTEURIlaria Gaspari*, écrivain, est né à Milan. Elle a étudié la philosophie à l’Ecole Normale de Pise et a obtenu son doctorat avec une thèse sur les passions à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Depuis 2015 collaborateur de ilLibraio.it, écrit pour divers journaux et collabore avec des écoles de radio, de télévision et d’écriture. Son premier roman est sorti en 2015, Éthique des aquariums (Voland). Il a ensuite publié Raisons et sentiments – L’amour pris avec philosophie (Sonzogno), Leçons de bonheur. Exercices philosophiques pour le bon usage de la vie (Einaudi) et, toujours avec Einaudi, Vie secrète des émotions. Il est sorti en 2022 par Giulio Perrone éditeur. A Berlin – Avec Ingeborg Bachmann dans la ville divisée. Avec Emons, (et avec le soutien de l’Institut Français Italia), toujours en 2022, il édite et anime le podcast Chez Proust. Pour la série numérique Combien il a également publié le court essai d’Einaudi Cendrillon et demi-sœurs – Une botanique de beauté.

Guanda a récemment publié son nouveau roman, La réputationdans lequel l’écrivain aborde des questions pressantes de notre contemporanéité, et ce dans une prose capable à la fois de profondeur et de légèreté : à Rome dans les années 1980la boutique Joséphine c’est un coin de Paris au coeur de Parioli ; les affaires sont en plein essor grâce au flair de propriétaire, Marie-France, qui accueille les clients avec son séduisant accent français. Son enthousiasme contamine son partenaire indéchiffrable Giosuè e les trois filles qui travaillent pour elledésireux de se conquérir liberté et indépendance. Entre eux Barbaraun éternel diplômé en philosophie arrivé dans la boutique par hasard, prêt à laisser Marie-France lui apprendre à vivre. Il apprendra d’elle que le mode c’est tout sauf frivole : c’est un rituel, un jargon, un rêve, un secret… Pour celles comme Marie-France qui en ont fait une mission, c’est un antidote à la douleur, à l’angoisse de disparaître, aux changements qu’inflige le temps. Tout va bien, jusqu’à ce que Marie-France ait une idée qui va s’avérer catastrophique.: ouvrir une ligne pour les adolescents. Jour après jour, la surface de la sérénité apparente commence à se fissurer. Ils semblent étranges messages codés, menaceset autour de la boutique une calomnie diffamatoire se répand qui n’épargne personne. Le des rumeurs se sont propagées et l’hostilité envers Marie-France et son peuple grandit dans le quartier. Une petite fille disparaît : y a-t-il un lien avec ce qui se dit autour ?

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