La Commission européenne. Entre de Gaulle et 1968. Ce parcours du combattant des présidents pionniers

La Commission européenne. Entre de Gaulle et 1968. Ce parcours du combattant des présidents pionniers
La Commission européenne. Entre de Gaulle et 1968. Ce parcours du combattant des présidents pionniers

par Piero S.

Graglia

Au début, c’était un Allemand : le chrétien-démocrate Walter Hallstein. Le premier président de la Commission exécutive de la Communauté économique européenne (ce que nous appelons aujourd’hui la Commission européenne) était un homme politique expérimenté, l’un des fondateurs de la République fédérale d’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et, pendant des années, un architecte influent de l’économie allemande. politique étrangère en tant que secrétaire d’État et sous-secrétaire aux Affaires étrangères du nouvel État.

Cependant, il a laissé une marque décisive surtout en tant que président de la Commission de la CEE au cours des années les plus importantes, les premières au cours desquelles la Communauté acquiert les caractéristiques qu’elle apportera ensuite même lorsqu’elle se transformera en Union européenne. Ce sont les années du Boom, un phénomène qui touche tous les pays de ce qu’on appelle la « petite Europe » : les « six » (Allemagne de l’Ouest, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) qui, timidement, ont tranché entre 1955 et 1957 pour tenter d’établir un « marché commun » et une union douanière (la CEE). Avec la CEE, est née une deuxième Communauté, de conception française, considérée comme beaucoup plus importante, la Communauté européenne de l’énergie atomique. Ironie de l’histoire, on étudie aujourd’hui principalement la CEE, alors que la CEE (ou Euratom) est restée une promesse sans enthousiasme.

De 1958 à 1967, Hallstein, fédéraliste convaincu, a accompagné le processus d’intégration au cours d’années de développement économique fulgurant : la libre circulation des marchandises et des travailleurs et, à l’avenir, des capitaux et des services, avec le processus correspondant d’élimination des barrières douanières intérieures, ont été les conditions fondamentales pour encourager la grande expansion de l’économie des pays d’Europe occidentale.

Hallstein a su guider la CEE et accompagner avec intelligence ce processus d’expansion et, au début de 1965, il s’est rendu compte que les “six” avaient essentiellement besoin de deux choses : de nouvelles politiques communes à côté de la première et – pour l’instant – la seule politique commune. l’agriculture et une gouvernance commune des processus économiques. Il propose ainsi un projet de redéfinition des finances communautaires : la Commission gérerait de manière autonome les recettes des droits de douane imposés sur les marchandises importées de pays extérieurs à la Communauté, disposant ainsi du contrôle des « ressources propres ». De l’argent frais, pour soutenir de nouvelles politiques communes et approfondir le processus d’intégration. Une des idées de Delors, vingt ans à l’avance. Seuls les deux Français, sur 9 commissaires, ont voté contre.

L’idée a provoqué un séisme : non seulement elle est née au sein de la Commission sans consulter les gouvernements des pays membres, mais elle s’est heurtée à une nette opposition de la part du gouvernement français et du président Charles de Gaulle. Le Général craignait l’augmentation du caractère supranational de la Communauté et du rôle de la Commission, transformant cette institution – qu’il définissait comme un groupe de bureaucrates non élus et politiquement irresponsables – en dominus du système communautaire. Ainsi commença la « crise de la chaise vide » le 30 juin 1965 : la France retira ses représentants du Conseil des ministres de la CEE, provoquant ainsi la paralysie du système communautaire. De Gaulle n’a accepté de suspendre la protestation que lorsqu’il a reçu l’assurance que chaque État membre aurait le droit de veto sur les décisions du Conseil. Rien de nouveau sous le soleil, par rapport à aujourd’hui.

L’obstination de De Gaulle a coûté cher à Hallstein, qui a été abandonné par le gouvernement allemand et sacrifié sur l’autel de la réconciliation d’après-guerre avec la France. Hallstein a été élu président du Mouvement européen mais n’a plus occupé de rôle de premier plan en Europe ; après l’expérience de la Commission, il a eu le temps de publier un livre précieux : Fédération Europe Inachevée, publié dans diverses éditions et en huit langues mais désormais oublié. La CEE avait eu la première occasion d’évoluer vers un système « fédéral », doté d’un budget indépendant, mais les gouvernements avaient choisi la concertation et la « négociation permanente ». Le processus d’intégration a continué en conservant les caractéristiques d’un système souvent otage des humeurs nationales et nationalistes.

Après Hallstein, le deuxième président de la Commission, le Belge Jean Rey, fut un président de transition, de 1967 à 1970. Lui aussi était un fédéraliste convaincu, ancien prisonnier de guerre en Allemagne, qui croyait en l’unité européenne comme instrument pour surmonter conflits continentaux, mais il n’a rien pu faire pour faire avancer les propositions de son prédécesseur, qu’il partageait. Les années 1960 se terminent par une contestation sociale, économique et politique, préparant la Commission et la CEE au nouveau défi d’un élargissement qui, à partir d’août 1961, voit la Grande-Bretagne ronger son frein pour faire partie de ce groupe chanceux de pays qui semblent avoir trouvé la clé pour grandir ensemble.

1 – continuer

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