Le cadeau de Macron. La France au vote avec une dette qui monte en flèche, une baisse de sa note et une procédure européenne en cours

La dissolution anticipée du Parlement a été suivie d’un choc financier, quoique léger, sur les marchés français. Le spread avec le Bund allemand à dix ans s’est élargi pour atteindre son plus haut niveau depuis un an, dépassant les 53 points, et le rendement des OAT (BTP français) a augmenté de dix-huit points de base à 3,7 %. La Bourse de Paris a été encore plus mauvaise, les valeurs françaises occupant les positions les plus basses des indices européens : les banques ont été particulièrement touchées par les ventes, à commencer par la Société Générale (-7,3% lundi, maillot noir du Cac 40), la Bnp Paribas et Crédit Agricole, mais aussi des entreprises de travaux publics ou de services comme Vinci ou Engie avec des pertes de l’ordre de 5 pour cent.

Le président Emmanuel Macron envoie aux urnes un pays aux comptes chamboulés : des déficits excessifs et sans date de redressement crédible, une dette publique en hausse, une solvabilité souveraine qui en subit les conséquences évidentes et, en juin, probablement le début d’une procédure d’infraction. par la Commission européenne. Il semble que Rome soit (aussi) Paris où la stabilité politique, qui fait souvent défaut en Italie où les gouvernements se font et se défont au gré des manœuvres parlementaires menées par des péons aguerris, a toujours fait contrepoids à la gestion des comptes publics ces derniers temps, joyeuse à dire le moins.

Gilles Gressani: Pour beaucoup, le nom de Le Pen est radioactif, avec Bardella il peut reproduire l'ascension de Meloni

Gilles Gressani: “Pour beaucoup, le nom de Le Pen est radioactif, avec Bardella il peut reproduire l’ascension de Meloni”

par Giulia Belardelli

La dissolution de l’Assemblée nationale, la première depuis 1997, ouvre une phase d’incertitude. Le décompte final des voix attribue 31,36% au Rassemblement National, 14,60% à Valérie Hayer (Renaissance) de Macron, 13,83% à Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique). L’intervention de Macron en France est donc perçue comme un pari mais le brillant résultat obtenu par le parti de Marine Le Pen, dirigé par son protégé Jordan Bardella, n’anticipe pas forcément d’une victoire tout aussi écrasante aux élections législatives, prévues les 30 juin et 7 juillet prochains. Le système français à double tour rend en effet très compliqué l’obtention d’une majorité au Parlement par les partis considérés comme extrémistes, précisément parce qu’au second tour il tend à rassembler tous les modérés contre ceux aux positions plus radicales.

Certes, la phase d’incertitude qui vient de s’ouvrir révèle les vulnérabilités financières que la stabilité politique avait jusqu’ici réussi à cacher derrière le voile de l’européisme et de l’atlantisme. Même si le parti de Le Pen et Bardella n’évoque plus le Frexit, c’est-à-dire la sortie de la France de l’Union européenne, son programme économique, s’il est mis en œuvre, risque de dévaster les finances publiques françaises, déjà problématiques. La baisse de la TVA sur les hydrocarbures de 20 % à 5,5 %, proposée par Marine Le Pen en 2022, aurait à elle seule un impact de dix milliards d’euros par an, selon l’Institut Montaigne. Difficile à mettre en œuvre, comme le montre l’expérience italienne avec l’ancienne première ministre eurosceptique Giorgia Meloni, arrivée au pouvoir avec la promesse de réduire les accises sur les carburants et les coûts des systèmes et désormais témoin passif et impuissant face à l’augmentation des essence à la pompe et factures de gaz et d’électricité.

Ce qui est sûr, c’est que les premiers ministres de la présidence Macron, comme les sortants Gabriel Attal et Elisabeth Borne, ne laissent pas les comptes en ordre, loin de là. Un rocher pèse sur le budget public après que le rapport entre déficit et produit intérieur brut ait bondi à 5,5% en 2023 et que l’objectif de le ramener à 4,4% cette année semble pour le moins optimiste. La dette publique s’élève à 110 % du PIB, soit bien plus que les 98 % lorsque Macron est devenu président de la France, et ne semble pas destinée à diminuer. Le risque financier est imminent car même si le parti de Le Pen ne gagne pas, le nouveau Parlement issu des urnes pourrait être beaucoup plus fragmenté que l’actuel, où Attal dispose déjà d’une majorité relative, et non absolue.


Les éclaboussures d'horreur de Macron. Le défi mortel lancé à Le Pen et aux requins qui se multiplient dans la Seine

Les éclaboussures d’horreur de Macron. Le défi mortel lancé à Le Pen et aux requins qui se multiplient dans la Seine

par Cesare Martinetti

Une semaine avant le vote européen, S&P a abaissé la note de la France de « AA » à « AA- », avec une perspective stable. Selon l’agence, la dégradation reflète l’attente d’une augmentation de la dette par rapport au PIB suite à des déficits plus élevés que prévu en 2023-2027. En effet, Paris ambitionne de ramener le ratio déficit/PIB à 5,1% en 2024, 4,1% en 2025, 3,6% en 2026 et 2,9% en 2027. Pour l’administration actuelle d’Emmanuel Macron, revenir aux contraintes de 3% en 2027 représente un objectif « réaliste et ambitieux ». Pour 2024, le gouvernement a déjà réduit dix milliards et cherche à économiser dix milliards supplémentaires. Après le vote européen, Moody’s a alerté sur les risques de la situation politique actuelle en France, au point que la perspective actuellement “stable” de la note souveraine Aa2 pourrait être réduite à “négative” si les paramètres de la dette venaient à se dégrader encore.

Pour le Fonds monétaire, les calculs de Bercy sur les finances publiques d’ici 2027 sont farfelus. Le FMI prévoit un ratio déficit/PIB « nettement supérieur » aux estimations du gouvernement pour 2027 et a déjà appelé le gouvernement de Paris à introduire dès 2024 de « nouvelles mesures » pour ramener la dette sur une trajectoire descendante. “De nouvelles mesures de consolidation budgétaire sont recommandées à moyen terme, dès 2024, pour remettre la dette sur une trajectoire descendante”, a déclaré le Fonds à l’issue d’une mission en France intitulée “Article 4”. L’organisme basé à Washington prévoit notamment un taux de déficit du PIB de 4,5% en 2027 contre les 2,9% prévus par l’exécutif parisien.

Des chiffres qui se reflètent également dans les estimations du printemps de Bruxelles selon lesquelles le stock de la dette en 2024 s’élèvera à 112,4% du PIB, et en 2025 il continuera à augmenter jusqu’à 113,8%, tandis que le déficit l’année prochaine sera encore de 5% (par rapport aux 4,1% estimé par le Gouvernement Attal). Selon les analystes de Scope Ratings, “le résultat des élections législatives anticipées en France pourrait limiter encore davantage la capacité du gouvernement à relever les défis de crédit les plus urgents, notamment la consolidation des finances publiques, si les partis d’opposition renforcent leur emprise sur l’Assemblée nationale”.

Avec l’entrée en vigueur des nouvelles normes européennes sur les finances publiques prévues par le Pacte de stabilité et de croissance, comme l’Italie et la Belgique, la France s’attend à une procédure de déficit excessif. La Commission devrait exprimer son avis le 19 juin, à l’occasion du “paquet de printemps” du semestre européen. Onze pays risquent le coup de hache de la Commission pour déficit excessif. La procédure de déficit commence par un rapport de la Commission indiquant si un pays spécifique a dépassé 3 %. L’exécutif européen propose alors au Conseil de prendre des décisions sur un déficit excessif. Ce que fera la Commission le 19 juin n’est pas encore clair mais, a expliqué un porte-parole de l’exécutif européen, la décision prendra en compte les dernières données d’Eurostat sur les déficits pour 2023.

En avril, le président de la Cour des comptes de Paris, Pierre Moscovici, avait défini 2023 comme une « année noire » pour les finances publiques françaises devant l’Assemblée nationale. Pour l’ancien commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, cette situation rend le chemin de la relance beaucoup plus “exigeant”, avec une “montée beaucoup plus raide”. A l’Elysée et à Bercy, la sécurité continue de s’afficher mais force est de constater que le chemin est long. ne sera pas indolore. C’est dans ce contexte que Macron a convoqué des élections anticipées, conscient que la manœuvre budgétaire devra faire face à un défi financier sans précédent pour la tenue des comptes publics conformément aux nouvelles règles européennes envisagées par le Pacte de stabilité. Un pari qui montrera à quel point Macron jouit encore de crédibilité sur le plan financier, car on l’a vu, ce n’est pas grand-chose.

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