Montagnes d’aujourd’hui, imaginaires d’hier : la façon dont nous concevons le paysage de montagne est née il y a des décennies mais détermine de nombreux phénomènes du tourisme alpin contemporain

Montagnes d’aujourd’hui, imaginaires d’hier : la façon dont nous concevons le paysage de montagne est née il y a des décennies mais détermine de nombreux phénomènes du tourisme alpin contemporain
Montagnes d’aujourd’hui, imaginaires d’hier : la façon dont nous concevons le paysage de montagne est née il y a des décennies mais détermine de nombreux phénomènes du tourisme alpin contemporain

Les manières dont nous percevons et interprétons les montagnes aujourd’hui – celles qui, ensemble, forment l’imaginaire collectif à cet égard – et qui déterminent notre fréquentation (pour le meilleur ou pour le pire) des hautes terres, bien qu’inévitablement liées au moment historique dans lequel elles se manifestent, elles ne sont certainement pas nées maintenant mais sont la dernière évolution d’une dynamique sociale et culturelle (puis évidemment économique et politique) qui vient de loin, depuis l’époque du Grand Tour dans les Alpes (et pas seulement là-haut), lorsque les bases ont été posées pour la naissance du tourisme moderne et contemporain. Le même surtourismeaujourd’hui très cité, analysé, vilipendé, considéré par beaucoup comme un fléau biblique pour des territoires précieux et délicats comme les montagnes, n’est pas un phénomène apparu récemment de nulle part mais ses dynamiques fondamentales sont identifiées depuis au moins un demi-siècle. De ces analyses ont émergé diverses alertes sur les effets de la présence excessive de touristes en haute altitude, parfaitement ignoré depuis des décennies et maintenant, tout d’un coup, il s’est fait écho et s’est propagé un peu partout mais alors que le phénomène a maintenant explosé dans toute sa puissance, aboutissant dans bien des cas à une marginalisation difficile sauf à travers des solutions radicales qui forcément déplaisent à tout le monde.

Que l’imaginaire collectif de la montagne ne soit pas né aujourd’hui mais qu’il vienne du passé, cela se voit très bien dans le vieilles affiches touristiquesde l’époque où les vacances étaient encore réservées à quelques riches et aux localités de vacances (comme on les appelait autrefois) avaient très peu d’infrastructures par rapport à aujourd’hui. Pourtant, ces affiches étaient déjà représentées tous les éléments et symbolesmatériels et immatériels, qui fondent encore aujourd’hui la fréquentation touristique en montagne et déterminent son impact sur les territoires concernés.

Par exemple, l’affiche particulièrement significative reproduite ci-dessus est de 1940. Dans le paysage idyllique des Dolomites, où, parmi les bois et les prairies, les éléments référentiels naturels les plus immédiats (les montagnes – Sassolungo et Tre Cime, bien reconnaissables) et anthropiques (le clocher typiquement tyrolien) du lieu forment un bel ensemble, signifiant le lien fonctionnel et pour imposer son apparente commodité, il y a Un téléphérique qui monte vers le haut, un élément technologique qui ouvre à tous les hautes altitudes sans plus d’effort ni de danger et sans avoir besoin de compétences en alpinisme, permettant de conquérir toute la zone montagneuse (même absolu, le sommet) sans limites, le dominant ; il y a un autobusqui amène rapidement et démocratiquement de grandes masses de touristes dans les montagnes (à l’époque la voiture particulière n’était pas encore si répandue) en grimpant le long des rues nouvelles et confortables qui atteignent le pied des sommets (au lieu des sentiers muletiers séculaires et difficiles, souvent annulés par les premiers, ainsi que leur valeur historico-culturelle liée à une montagne dure, misérable et hargneuse, que le nouveau tourisme a finalement fait oublier ); il y a le grand hôtel qui accueille les masses de vacanciers dans le bâtiment à plusieurs étages, une copropriété alpine qui n’est pas différente des copropriétés urbaines à l’exception d’un style architectural plus raffiné (modèles d’urbanisme métropolitains insérés avec force dans le paysage naturel).

Bref, dans son apparente inoffensivité (et dans la beauté graphique objective typique des affiches de l’époque, véritables œuvres d’art) tout ce qui est à la base du tourisme de masse actuel est déjà làévidemment au fil du temps, développé également sous forme de formes et de substances dopé supporter des volumes toujours croissants même au détriment des lieux qui devraient les accueillir : le surtourisme, c’est justement cela, «la situation dans laquelle l’impact du tourisme, à un moment donné et dans un lieu donné, dépasse le seuil de capacité physique, écologique, sociale, économique, psychologique et/ou politique.» (Rapport Peeters et al., Commission des transports et du tourisme (TRAN) du Parlement européen, 2018). Un excès qui nécessite inévitablement des infrastructures « dépassant » les limites du lieu mais aussi, sinon surtout, une réflexion excessif à environalimentée par une imagination qui, au fil du temps, s’est conformée précisément pour alimenter et justifier cette pensée, légitimant à son tour les interventions les plus invasives.

Enfin, dans l’affiche analysée ici, on retrouve au premier plan quelques belles fleurs de montagne, fonctionnelles pour ramener le regard et l’attention vers les canons de douceur, de délicatesse, de nature non contaminée, comme pour souligner que l’empreinte anthropique de plus en plus lourde sur le territoire et le paysage n’affectera pas cette beauté naturelle. Ce qui est un peu ce qui se passe encore aujourd’hui, avec les images du marketing touristique actuel où une belle vue sur le paysage ne manque jamais, évidemment. privé de tout signe anthropique trop évident et renforcé dans les textes d’accompagnement avec certaines terminologies si populaires aujourd’hui comme «éco», «vert», «durable/durabilité», etc. D’un autre côté, la construction (ou la déconstruction ?) de l’imagerie de montagne ne s’arrête jamais : peut-être emprunte-t-elle parfois des chemins obliques et plutôt irrationnels mais en fin de compte, l’objectif est toujours le même, c’est-à-dire construire l’image de ce qui plaît pour qu’il soit conforme, partagé, donc accepté et a cru par le plus grand nombre, afin qu’il puisse également avoir une « valeur ». Ce qui ne veut pas du tout dire qu’elle est aussi ce qu’il y a de plus beau, comme le dit cet adage populaire bien connu : même la beauté devient relative, pour mieux la vendre au public le plus large possible. On appelle cela la « mise en valeur » des montagnes : il est dommage que parfois même la pensée et l’imagination à ce sujet soient devenues une marchandise (in)vendue aux hard discounters du tourisme contemporain.

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