“L’amant de l’astronaute”: la critique de Marco Berger

“L’amant de l’astronaute”: la critique de Marco Berger
“L’amant de l’astronaute”: la critique de Marco Berger

À un moment donné, l’un des deux protagonistes déclare : « Savez-vous ce qui vous rend gay ? Le désir”. Et voici un film qui remet justement cela au centre, après des années de cinéma où – ne vous fâchez pas : je fais partie de la communauté – l’homosexualité ne semblait que douleur, traumatisme, solitude, plus parler que baiser (même aujourd’hui : rien de personnel, bien-aimé Andrew Haigh, tu viens de nous donner le pur beau Étrangers).

L’amant de l’astronaute, en salles le 20 juin avec Circuito Cinema, m’a rappelé un très beau film sorti en 2000 qui a été l’initiateur de ce nouveau cours (et le mien aussi) puis, justement, interrompu par de nouvelles, sacro-saintes vagues de peu de joie et beaucoup d’affliction. Ça s’appelait Krampackil regista era lo spagnolo Cesc Gay (mai nomen fu più omen), era l’educazione sentimentale e balneare di due adolescenti, già amici d’infanzia con relativi giochini di scoperta dei corpi, che, più grandi, scoprivano molto gioiosamente il sesso vrai.

Ainsi en est-il de cet autre film, réalisé par un bon auteur argentin, Marco Berger (les précédents sont passés par les différents festivals Plan B, Mariposa, Un rubio, entre autres), avec deux garçons pourtant plus adultes, indécis et fluides comme le sont peut-être ces autres moments. Pedro (Javier Orán) arrive à la maison de plage de quelques amis et y rencontre Maxi (Lautaro Bettoni), un ami d’enfance (c’est parti) qui vient de rompre avec sa petite amie. A cause d’une série de malentendus un peu à la manière d’une comédie des années 30/40, ils feront semblant de s’être mis ensemble. Et puis devinez comment cela va se terminer.

Pour le mettre avec d’autres dictons populaires qui n’aimeront pas la communauté (ou peut-être que oui, maintenant je ne comprends plus rien, comment peut-on se tromper), “beaucoup aiment la chatte, mais tout le monde aime la bite”, ce qui pourrait être le sous-titre italien parfait pour ce film. Ce qui est bien plus élégant que cela, dans l’écriture, dans la mise en scène, dans le jeu des acteurs très vivant, mais – pour en revenir au désir de cette ligne évoquée au début – le sens est, avec légèreté, précisément ceci. Des étrangers (pas trop) du lac (de la mer) sans filet, oui, mais aussi sans peur.

Bien sûr, je parlais de la comédie des années trente/quarante car ici il y a clairement les limites du cinéma. Et notamment du cinéma du siècle dernier. Dans cette maison de plage, il n’y a pas d’Internet, Cumpa est donc obligé de louer des films dans le seul magasin de DVD local qui reste dans la région. Mourir dur, grandquelqu’un fait ressortir les oubliés Créatures (ceux qui sont nés dans ces années-là le savent). Et puis Soutenez-moi, vie pleine, Edward Scissorhandsdes titres qui, une fois alignés, constituent la formation esthétique et sentimentale d’une génération.

Javier Orán et Lautaro Bettoni dans une scène du film. Photo de : Circuito Cinema Distribuzione

Il y a la frontière du cinéma et celle des contes de fées, on évoque Blanche-Neige, puis Pinocchio, comme si cette histoire qui veut et parvient à raconter les sentiments de notre temps – confus, élastiques, imprévisibles – voulait en réalité être mise hors tension. à tout moment, entre comédie sophistiquée du classique, disais-je, et des proverbes de Rohmer (et d’ailleurs l’astronaute du titre a sa propre nature métaphorique dont je ne vous parlerai pas ici). Certes aucune fluidité n’est proclamée ou promulguée, il n’y a qu’une invitation à la liberté, sinon – utopiquement ? – au bonheur, qui commence toujours par les corps. Et, en ce mois de la fierté, viser le bonheur semble – du moins pour moi – le meilleur acte de fierté souhaitable.

Il y a beaucoup de fagotisme (cit.), beaucoup de paroles, de sexe effronté, même pratiqué finalement, mais dans un bavardage continu qui rappelle un peu le Challengers de Guadagnino, avec ce même jeu de séduction, cette tension non résolue ou peut-être dénouée/trompée par le coup final. Le tennis est toujours une relation, mais chaque été au bord de la mer aussi, chaque amour qui est toujours le premier, chaque fête, chaque promenade en voiture la nuit, chaque bain, chaque baise, tout ce qui sert à nous dire qui nous sommes, et que nous pouvons être ce que nous voulons, espérons simplement, quoi qu’il arrive, heureux.

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