Si j’avais des ultrapouvoirs, j’attraperais un de ces colons orthodoxes israéliens qui attaquent les camions d’aide à Gaza, et renverserais et piétinerais au sol, en riant de joie, la nourriture destinée aux assiégés (voir le reportage de Fabio Tonacci dans ce journal) ; puis je prendrais un des miliciens du Hamas impliqués dans le pogrom du 7 octobre, ceux qui ont posté la vidéo de la fête pendant qu’ils chargeaient leurs proies qui gémissaient les os fracassés dans des camions ; Je les asseyais face à face et leur disais : vous êtes la même personne. Vous pouvez vous détester, vous tirer dessus, vous cracher dessus, mais sachez que vous êtes la même personne.
Je ne sais pas comment l’expérience se terminerait. Malheureusement, on ne peut pas exclure que les deux sympathisent à long terme : ils se reconnaissent, car il y a une universalité dans le fanatisme, notamment dans la configuration des « jeunes mâles pleins d’adrénaline ». Rien, dans un stade, n’est aussi semblable en termes de langage et d’attitude que les deux courbes ultras opposées. S’il n’existait pas de drapeaux pour les distinguer, il n’existe aucun critère esthétique, anthropologique ou social pour pouvoir le faire.
Mais il se peut aussi que le choc psychologique de se voir lié à son bourreau ouvre ses certitudes. Je ne sais pas pourquoi, je me fais l’illusion que l’infanterie (tels sont les types décrits plus haut : de la chair à canon qui élève une voix forte) peut prendre conscience de sa propre misère, ne serait-ce que par faiblesse, par épuisement. Ce n’est pas le cas des généraux qui les envoient à la mort.
En fait, je ne tenterais pas l’expérience évoquée plus haut avec un leader jihadiste du Hamas et avec le ministre de l’ultra-droite religieuse israélienne Ben Gvir, patron du parti Pouvoir juif. Pour eux, il n’y a aucun espoir, aucune illumination n’est permise.
