Le voleur dans la caserne | Mangialibri depuis 2005, jamais de régime

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Tout change lorsque son père tombe amoureux d’une autre femme et décide d’aller vivre avec elle, abandonnant sa femme et ses enfants. Le monde de Philip s’effondre, ses quelques certitudes vacillent. Presque du jour au lendemain, sa merveilleuse vie d’enfant serein et confiant se transforme en enfer d’une adolescence sans repères. L’incapacité des adultes à gérer une crise importante mais finalement à leur portée marque le sillon profond au-delà duquel la perte de l’innocence est fatale. Son frère Keith est désormais bientôt un bateau à la dérive au gré des mers. Philippe essaie de lui donner un coup de main mais l’apathie à laquelle il s’oppose est comme un mur ; le dialogue est impossible si on parle deux langues différentes. La mère est faible, incapable de reprendre les rênes d’une vie incontrôlable. Son père est finalement un personnage méchant, esclave de ses instincts, égoïste. La tentative sordide de rétablir une relation, même minime, avec lui a même des conséquences grotesques. Philip ne sait pas vraiment quoi faire de cette vie qui lui reste. Le chant des sirènes est toujours plus fort, toujours plus convaincant. Il sait qu’il doit partir, il sait qu’il ira. Il lui suffit de trouver le moment et l’opportunité. Les années soixante touchent à leur fin, la guerre est à l’horizon. Philip se rend compte que sa sirène porte un uniforme militaire…

Le voleur dans la caserne c’est un petit bijou né de la plume de l’écrivain américain Tobias Wolff, considéré par beaucoup comme l’un des derniers représentants du réalisme américain avec un héritage qui va d’Hemingway à Raymond Carver. Sans aucun doute, il partage avec ces deux monstres sacrés son style narratif très épuré et apersonnel, où l’auteur ressemble à un reporter qui se borne à enregistrer les événements plutôt qu’à les raconter, s’abstenant de toute digression ou, pire, de tout jugement éthique. Des réflexions que Wolff laisse entièrement au lecteur, montrant les actions des personnages et les laissant parler pour lui. Le texte compte un peu plus d’une centaine de pages et présente une structure claire essentiellement divisée en trois moments narratifs. La première se concentre sur la situation familiale de Philip au lendemain de la décision de son père de quitter sa femme et ses enfants pour se réunir avec une autre femme ; le second est un long moment – surréaliste – de la vie de caserne dans lequel Philip, accompagné de deux autres camarades, se retrouve obligé d’exécuter des ordres qui se révèlent vite insensés et qui font écho à l’absurdité militaire de Giovanni Drogo perdu dans son Désert de les Tartares ; la troisième et dernière est l’histoire qui donne son titre à l’histoire, centrée sur de mystérieux vols qui se produisent dans les dortoirs. Des noyaux narratifs distincts mais en même temps bien liés par le fil conducteur de la croissance intérieure de Philippe, dans l’âme duquel ces événements laisseront une marque indélébile. Un livre très agréable, qui coule avec fluidité du début à la fin non seulement par sa brièveté mais aussi par l’extraordinaire capacité de Wolff à accrocher le lecteur dès les premières lignes, ne le lâchant jamais jusqu’à l’épilogue.

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