Pourquoi Lagarde ne nous donne-t-elle pas de joie ? Tout est question de salaires

Pourquoi Lagarde ne nous donne-t-elle pas de joie ? Tout est question de salaires
Pourquoi Lagarde ne nous donne-t-elle pas de joie ? Tout est question de salaires

La décision de la BCE de baisser les taux d’intérêt de 0,25% est arrivée jeudi. Décision très attendue, la présidente Lagarde a ressenti hier le besoin d’écrire un éditorial dans les médias de tous les pays de la zone euro pour expliquer les raisons de cette décision. Un fait assez inhabituel qui nous aide à analyser la situation au-delà des mots.

Interpréter les propos des banquiers centraux est une opération que beaucoup ont tentée. Le cas classique est celui de la Réserve fédérale américaine dont les procès-verbaux, rendus publics au bout d’un mois environ, sont passés à la loupe, les adjectifs individuels sont évalués, il existe des études qui analysent les relations entre les mots individuels et les décisions de politique monétaire, les marchés vont même jusqu’à faire des prédictions sur la façon dont les différents membres de la Fed voteront.

Dans le cas de la BCE, les procès-verbaux sont généralement plus concis, œcuméniques et génériques. L’expression typique est « un large consensus ». L’intention de Lagarde était peut-être de fournir des informations supplémentaires, mais l’intervention de renfort de Lagarde semble encore un peu inhabituelle. La BCE et Lagarde avaient déjà expliqué les raisons de leur décision jeudi et les propos d’hier n’apportent pas grand-chose, ils réaffirment l’évidence, ils révèlent en quelque sorte de l’eau chaude : « Nos futures décisions de politique monétaire dépendront de trois choses : si nous continuons de constater un retour opportun de l’inflation à l’objectif, si nous constatons un relâchement des pressions globales sur les prix dans l’économie et si nous considérons toujours que notre politique monétaire est tout aussi efficace pour contenir l’inflation. très similaires à ceux utilisés jeudi. Pourquoi alors? Pourquoi intervenir en renfort deux jours plus tard ?

On pourrait penser que la BCE n’a pas été satisfaite de l’accueil réservé par les marchés à sa décision. Cette hypothèse n’est pas convaincante. L’appel à la prudence concernant les futures baisses de taux a été reçu par les marchés, les marchés boursiers étant en baisse et le taux de change euro-dollar pratiquement inchangé jeudi.

Lagarde a plutôt voulu réaffirmer le concept, recourant à la métaphore du conducteur qui appuie sur le frein de la voiture, précisant que « pendant un certain temps, nous devrons encore garder le pied sur la pédale de frein, même si nous n’appuyons pas ». aussi dur qu’avant”. Lagarde a donc voulu préciser avec quelle prudence la BCE accompagne la décision dans le but d’influencer les attentes des opérateurs économiques. Sur le fond, c’est une question de prudence motivée par les données spécifiques qui prévoient une révision à la hausse des prévisions d’inflation : si en avril on prévoyait que l’inflation reviendrait à 2% à la mi-2025, maintenant on prévoit qu’elle reste au-dessus de l’objectif jusqu’à une grande partie de l’année prochaine.

Les prévisions de la BCE tablent sur une inflation sous-jacente stable (hors alimentation et énergie) pour les mois à venir. Ce chiffre a diminué de plus de moitié entre août 2023 et avril 2024 (de 5,2 à 2,4 %) mais montre désormais des signes de persistance, la convergence vers l’objectif de 2 % n’étant pas proche.

Deux données favorisent ce scénario : celle sur l’inflation des services et celle sur la croissance des salaires. L’inflation des services s’élève à 3,7%, un chiffre resté quasiment stable ces derniers mois. L’économiste en chef de la BCE Philippe Lane soutient que pour parvenir à une convergence de l’inflation des services vers 2 %, une décélération du taux de croissance des salaires est nécessaire. Un phénomène qui peine encore à se révéler. Les marges bénéficiaires des entreprises ont considérablement augmenté en 2022 et 2023, et devraient diminuer en 2024 ; la reprise (partielle) des salaires par rapport à la hausse du coût de la vie est cependant retardée : la hausse des salaires – bien qu’en baisse par rapport à 2023 – sera soutenue tout au long de 2024 avec une décélération en 2025. C’est l’aspect qui mène la BCE être prudent. La crainte est que la spirale de hausse des prix et des salaires n’ait pas encore été complètement évitée.

Lagarde n’a pas approfondi le bien-fondé de l’analyse du phénomène et son article est donc apparu redondant, mais elle a voulu renforcer le message de prudence en indiquant quelle sera la ligne pour les prochains mois (l’approche forward guidance suivie par Draghi ) avec pour objectif ultime d’influencer autant que possible la hausse des prix et des salaires : si les salaires continuent de croître, le resserrement monétaire sera plus long. Avoir avancé la main ne signifie pas qu’il n’y aura pas de nouvelle baisse des taux d’intérêt en 2024 mais seulement que ce ne sera pas immédiatement, nous en reparlerons après l’été.

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